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Autorisations d’urbanisme : un délai de recours des tiers qui ne court pas s’arrête dans un délai raisonnable !

Conseil d’État 

N° 409872    
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
5ème et 6ème chambres réunies
M. Florian Roussel, rapporteur
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP LEDUC, VIGAND ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats

lecture du vendredi 9 novembre 2018

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. B…C…a demandé au tribunal administratif de Versailles d’annuler l’arrêté du 6 novembre 2007 du maire de Saint-Germain-en-Laye portant délivrance à M. E… A…et Mme F…A…d’un permis de construire ainsi que la décision implicite de rejet opposée par le maire au recours gracieux qu’il avait formé contre cet arrêté. Par un jugement n° 1402665 du 15 février 2017, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 avril et 18 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. B…C…, M. G… C…, Mme D…H…épouse C…et la SCI Valmore demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Germain-en-Laye la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Leduc, Vigand, avocat de M. C…et autres et de la société Valmore, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la commune de Saint-Germain-en-Laye et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. et MmeA….

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 6 novembre 2007, le maire de Saint-Germain-en-Laye a délivré à M. et Mme A…un permis de construire pour la construction d’une maison individuelle sur le territoire de cette commune ; que, par un courrier du 7 avril 2014, M. B…C…a formé un recours gracieux contre cet arrêté ; qu’il a introduit, le même jour, une demande devant le tribunal administratif de Versailles tendant à l’annulation de l’arrêté du 6 novembre 2007 et de la décision implicite par laquelle le maire avait rejeté son recours gracieux ; que M. G…C…, Mme D…H…, épouseC…, et la SCI Valmore ont présenté devant le tribunal un mémoire en intervention tendant à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la requête de M. B…C… ; que, par un jugement du 15 février 2017, le tribunal a rejeté la demande ; que M. C…ainsi que les personnes intervenues devant le tribunal au soutien de sa demande se pourvoient en cassation contre ce jugement ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme :  » Le délai de recours contentieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir court à l’égard des tiers à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l’article R. 424-15  » ; qu’aux termes de l’article R. 424-15 du même code :  » Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l’extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l’arrêté (…)  » ; qu’aux termes de l’article A. 424-17 du même code, entré en vigueur le 1er octobre 2007 :  » Le panneau d’affichage comprend la mention suivante : /  » Droit de recours : /  » Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l’urbanisme). /  » Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d’irrecevabilité, être notifié à l’auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l’urbanisme). »  » ; que, par ailleurs, aux termes de l’article R. 600-3 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur :  » Aucune action en vue de l’annulation d’un permis de construire ou d’aménager ou d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable n’est recevable à l’expiration d’un délai d’un an à compter de l’achèvement de la construction ou de l’aménagement./ Sauf preuve contraire, la date de cet achèvement est celle de la réception de la déclaration d’achèvement mentionnée à l’article R. 462-1  » ; que le délai d’un an prévu par ces dispositions a été ramené à six mois par le décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 ;

3. Considérant que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contesté indéfiniment par les tiers un permis de construire, une décision de non-opposition à une déclaration préalable, un permis d’aménager ou un permis de démolir ; que, dans le cas où l’affichage du permis ou de la déclaration, par ailleurs conforme aux prescriptions de l’article R. 424-15 du code de l’urbanisme, n’a pas fait courir le délai de recours de deux mois prévu à l’article R. 600-2, faute de mentionner ce délai conformément à l’article A. 424-17, un recours contentieux doit néanmoins, pour être recevable, être présenté dans un délai raisonnable à compter du premier jour de la période continue de deux mois d’affichage sur le terrain ; qu’en règle générale et sauf circonstance particulière dont se prévaudrait le requérant, un délai excédant un an ne peut être regardé comme raisonnable ; qu’il résulte en outre de l’article R. 600-3 du code de l’urbanisme qu’un recours présenté postérieurement à l’expiration du délai qu’il prévoit n’est pas recevable, alors même que le délai raisonnable mentionné ci-dessus n’aurait pas encore expiré ;

4. Considérant, d’une part, que pour retenir que le permis de construire délivré le 6 novembre 2007 à M. et Mme A…par le maire de Saint-Germain-en-Laye avait fait l’objet d’un affichage pendant une période continue de deux mois conformément aux dispositions de l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme, le tribunal a relevé que cet affichage avait été constaté par un procès-verbal d’huissier le 15 novembre 2007 et que M. C…se bornait à contester la continuité de l’affichage sans apporter le moindre élément à l’appui de ses allégations ; qu’en statuant ainsi, le tribunal, qui a apprécié la continuité de l’affichage au vu de l’ensemble des pièces du dossier qui lui était soumis, n’a pas entaché son jugement d’erreur de droit et a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ;

5. Considérant, d’autre part, que si le tribunal administratif a constaté que l’indication des délais de recours figurant sur le panneau d’affichage du permis litigieux était erronée, il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu’il n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le recours formé en 2014 par M. C…contre le permis, qui avait fait l’objet d’un affichage respectant par ailleurs l’ensemble des obligations prévues par les textes cités au point 2, n’avait pas été présenté dans un délai raisonnable à compter de l’accomplissement de cette formalité et n’était, par suite, pas recevable ;

6. Considérant, par suite, que M. C…et les autres requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation du jugement qu’ils attaquent ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Germain-en-Laye une somme au titre des frais exposés par M. C…et autres requérants et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, au titre de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. C…et autres requérants le versement à M. et Mme A… d’une somme globale de 3 000 euros et de M. C…le versement à la commune de Saint-Germain-en-Laye d’une somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : Le pourvoi de M. B…C…et autres requérants est rejeté.
Article 2 : M. C…et les autres requérants verseront à M. et Mme A…une somme globale de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : M. C…versera à la commune de Saint-Germain-en-Laye une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B…C…, premier requérant dénommé, à M. E…A…et Mme F…A…et à la commune de Saint-Germain-en-Laye.

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