Vu la procédure suivante :
I. Par une requête n° 1920927 et des mémoires enregistrés le 27 septembre 2019, le 15 juin 2020 et le 3 février 2021, la société par actions simplifiée (SAS) Maria Luisa, représentée par Me Lanoy, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d’annuler l’arrêté du 29 mars 2019 par lequel la maire de Paris a accordé à la société en nom collectif (SNC) Paris Ternes Villiers un permis de construire ; 2°) d’annuler la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 29 mai 2019 ; 3°) d’annuler l’arrêté du 4 avril 2019 rectifiant l’arrêté du 29 mars 2019 ; 4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
– l’arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
– la notice architecturale jointe au dossier de demande de permis de construire est incomplète ;
– l’étude d’impact est insuffisante ;
– la maire de Paris a entaché sa décision d’un défaut d’impartialité ;
– l’arrêté attaqué méconnaît l’article R. 122-5 du code de l’environnement ;
– il méconnaît l’article UG 10.1 du règlement du plan local d’urbanisme ;
– il méconnaît l’article UG 12.3 du règlement du plan local d’urbanisme ;
– il méconnaît le règlement sanitaire départemental ;
-il méconnaît les articles L. 118-1 et R. 118-1-1 du code de la voirie routière ; le tunnel créé par le projet présente en lui-même un risque pour la sécurité routière ;
– il méconnaît l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme ; la délivrance d’un permis de construire résulte d’une erreur dans la qualification juridique des faits, l’opération d’aménagement de la Porte Maillot relevant de cet article ; de ce fait, le permis de construire est dépourvu de base légale et entaché de détournement de procédure ;
– la maire de Paris a entaché sa décision d’un détournement de pouvoir ;
– l’arrêté attaqué méconnaît l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme ;
– il est entaché d’erreur manifeste d’appréciation ;
– l’autorité environnementale a été prématurément et irrégulièrement saisie par une personne, au demeurant non déterminée, qui n’avait pas la qualité de maître d’ouvrage prévue par l’article R. 122-3 du code de l’environnement dans sa rédaction alors applicable ;
– il ressort des décisions prises que l’autorité administrative et l’autorité environnementale ont entendu se placer dans le nouveau régime de l’évaluation environnementale ;
-la requête est recevable.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 mars 2020, la société en nom collectif (SNC) Paris Ternes Villiers, représentée par Me Guinot, conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge de la société Maria Luisa le versement de la somme de 10 000 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
– à titre principal, la requête est irrecevable ; la SAS Maria Luisa n’établit pas la qualité pour agir de son représentant ; elle n’a pas intérêt à agir ; la requête est tardive ;
– les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés le 5 mars 2020, le 3 février et le 2 mai 2021, ce dernier n’ayant pas été communiqué, la Ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge de la société Maria Luisa le versement de la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
– à titre principal, le moyen tiré du défaut de motivation est inopérant s’agissant des prescriptions imposées par la préfecture de police au titre de la législation des établissements recevant du public ; à titre subsidiaire, ce moyen n’est pas fondé ; les moyens tirés de la méconnaissance du règlement sanitaire départemental, du non-respect de la réglementation relative à la sécurité dans les tunnels routiers et de la méconnaissance des principes posés par l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme sont inopérants ; à titre subsidiaire, ce dernier moyen manque en fait ;
– les autres moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
II. Par une requête n° 1921120 et des mémoires enregistrés le 30 septembre 2019, le 4 mars 2020 et le 1er août 2020, l’association « Les amis de la Terre Paris », l’association « France nature environnement Paris » et l’association « France nature environnement Ile-de-France », représentées par Me Cofflard, demandent au tribunal, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d’annuler l’arrêté du 29 mars 2019 par lequel la maire de Paris a accordé à la société en nom collectif (SNC) Paris Ternes Villiers un permis de construire ;
2°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :
– l’étude d’impact est insuffisante ; elle ne comporte aucune analyse des effets du projet sur la santé humaine et les risques sanitaires engendrés par l’exposition à la pollution atmosphérique ; elle ne comporte pas d’analyse des raisons du choix du projet et des solutions de substitution examinées par le maître d’ouvrage ;
– l’arrêté attaqué méconnaît les articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l’urbanisme ; la notice du projet architectural est évasive sur le traitement des espaces libres et le traitement des accès et du terrain ; elle ne comporte pas d’éléments permettant d’assurer l’insertion du projet dans son environnement ;
– il méconnaît l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme ; la maire de Paris devait refuser de délivrer le permis de construire en raison des risques graves pour la santé humaine engendrés par le projet ;
– il méconnaît les articles R. 421-3 et R. 431-13 du code de l’urbanisme ; le projet a été autorisé par une délibération du conseil municipal du Conseil de Paris sans publicité ni mise en concurrence ;
– les articles UG1 et UG2 dans leur version issue de la modification du règlement du plan local d’urbanisme approuvée les 4, 5 et 6 juillet 2016, sur lesquels est fondé l’arrêté attaqué, méconnaissent la réalisation de plusieurs objectifs du projet d’aménagement et de développement durable ;
– la requête est recevable.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 mars 2020, la société en nom collectif (SNC) Paris Ternes Villiers, représentée par Me Guinot, conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge solidaire des associations requérantes le versement de la somme de 10 000 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés le 5 mars 2020 et le 23 juin 2020, la Ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge solidaire des associations requérantes la somme de 3 000 € en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
– à titre principal, le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 423-1 et R. 431-13 du code de l’urbanisme est inopérant ; à titre subsidiaire, ce moyen n’est pas fondé ;
– les autres moyens invoqués par les requérantes ne sont pas fondés.
Vu les pièces des dossiers.
Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Paret,
– les conclusions de M. Duplan, rapporteur public,
– et les observations de Me Lanoy pour la société Maria Luisa, de Me Cofflard pour l’association « Les amis de la Terre Paris », l’association « France nature environnement Paris » et l’association « France nature environnement Ile-de-France », de Me Guinot pour la SNC Paris Ternes-Villiers et de Me Froger pour la Ville de Paris.
Une note en délibéré présentée pour la SNC Paris Ternes Villiers a été enregistrée dans chaque dossier le 10 mai 2021 et n’a pas été communiquée.
Une note en délibéré présentée pour la société Maria Luisa a été enregistrée le 19 mai 2021 et n’a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. La société en nom collectif (SNC) Paris Ternes Villiers a déposé, le 18 juillet 2017, une demande de permis de construire pour la construction, sur une dalle couvrant le boulevard périphérique, d’un bâtiment de bureaux de 7 étages sur un niveau de stationnement (51 places) et d’un bâtiment d’habitations (90 logements dont 28 logements sociaux) de 9 étages et de commerces à rez-de-chaussée, 1er et 9e étages, d’un jardin collectif en coeur d’îlot au R+1 et de quatre serres agricoles en toitures-terrasses (surface de plancher créée : 18 714 mètres carrés). Ce permis de construire a été délivré par la maire de Paris par un arrêté du 29 mars 2019 et la société par actions simplifiée (SAS) Maria Luisa, l’association « Les amis de la Terre Paris », l’association « France nature environnement Paris » et l’association « France nature environnement Ile-de-France » ont formé deux recours gracieux à son encontre le 29 mai 2019. Les requérants demandent l’annulation de l’arrêté du 29 mars 2019 et des décisions implicites de rejet des recours gracieux.
Sur la jonction :
2. Les deux requêtes sont dirigées contre la même décision et ont fait l’objet d’une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul jugement.
Sur les fins de non-recevoir opposées dans le dossier n° 1920927 :
En ce qui concerne le défaut d’intérêt à agir :
3. Aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation. » Il résulte de ces dispositions qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction.
4. D’une part, la société Maria Luisa soutient qu’elle est propriétaire du terrain et de l’immeuble situés 12 avenue de la porte des Ternes dans le 17e arrondissement de Paris, à proximité immédiate du terrain d’assiette du projet pour lequel le permis de construire attaqué a été délivré. Il ressort des pièces du dossier qu’elle a signé, par un acte notarié soumis aux formalités d’enregistrement, le 30 mars 2012, en qualité de crédit-preneur, un contrat-cadre de crédit-bail portant sur le financement de l’acquisition de biens et droits immobiliers dépendant d’un ensemble immobilier à édifier sur un terrain sis 6 à 10 rue Gustave Charpentier et 12 à 16 avenue de la porte des Ternes, d’une durée de quinze ans à compter du 1er avril 2014, lequel prévoit la conclusion d’une promesse unilatérale de vente des biens immobiliers au profit de la requérante. Celle-ci justifie ainsi, de manière suffisante, du bénéfice d’une promesse de vente.
5. D’autre part, la société Maria Luisa fait valoir qu’elle aura une vue directe sur le projet et qu’elle sera exposée à une concentration accrue de polluants directement causée par la création du nouveau tunnel, à proximité immédiate duquel est situé son immeuble. Elle justifie ainsi d’un intérêt à agir à l’encontre de la décision attaquée. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir doit être écartée.
En ce qui concerne l’absence de capacité pour agir :
6. La société Maria Luisa établit par les pièces qu’elle produit qu’elle est présidée par la société Famille C. En outre, il ressort des termes même de la requête que M. Olivier Courtin représente la société requérante en sa qualité de président de la société Famille C, cette société ayant elle-même la qualité de présidente de la société Maria Luisa. Il suit de là que, contrairement à ce que soutient la société pétitionnaire, M. Olivier Courtin n’a pas agi directement et pour le compte de la société Maria Luisa, mais en sa qualité de président de la société Famille C. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l’absence de capacité à agir de M. Olivier Courtin doit être écartée.
En ce qui la tardiveté de la requête :
7. Aux termes de l’article R.* 600-1 du code de l’urbanisme : « En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, ou d’une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un certificat d’urbanisme, ou une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code. L’auteur d’un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. » Aux termes de l’article R. 600-2 du même code, « Le délai de recours contentieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir court à l’égard des tiers à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l’article R. 424-15. »
8. Il ressort des pièces du dossier que le recours gracieux formé le 29 mai 2019 à l’encontre du permis de construire délivré le 29 mars 2019 l’a été par M. Olivier Courtin en sa qualité de président de la société Famille C., elle-même présidente de la société Maria Luisa. Ce recours, qui a ainsi été formé, comme la requête, au nom de la société Maria Luisa, a prorogé le délai de recours contentieux au profit de cette société. Une décision implicite de rejet étant née le 29 juillet 2019, la requête de la société Maria Luisa, introduite le 27 septembre suivant, soit avant l’expiration du délai de recours de deux mois contre le rejet implicite de son recours gracieux, n’est pas tardive.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
9. Aux termes de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme : « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations. » En vertu de ces dispositions, lorsqu’un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l’autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu’il n’est pas légalement possible, au vu du dossier et de l’instruction de la demande de permis, d’accorder le permis en l’assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d’une nouvelle demande, permettraient d’assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect.
10. D’une part, il ressort des pièces du dossier que le projet attaqué doit être situé en surplomb du boulevard périphérique, entre deux ponts routiers, sa construction entraînant ainsi la création d’un tunnel sur cette voie de circulation. En outre, il ressort de l’étude d’impact que ce lieu d’implantation est marqué, dans sa configuration actuelle, par un niveau élevé de pollution de l’air, au-delà des valeurs limites fixées par le code de l’environnement et les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé pour la concentration de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10), à savoir 40 microgrammes par mètre cube d’air, avec un dépassement général de ces valeurs sur les points de mesure retenus pour la concentration de dioxyde d’azote et un dépassement localisé pour les particules fines.
11. D’autre part, il ressort également des pièces du dossier, notamment de l’étude d’impact, que si la réalisation du projet n’entraîne pas par elle-même une augmentation de la pollution et qu’elle aura au contraire pour effet de diminuer la concentration de polluants dans l’air ambiant sur le terrain d’assiette même du projet, celle-ci y demeurera toutefois, s’agissant du dioxyde d’azote, toujours supérieure à la valeur limite fixée par la réglementation. En outre, en raison du déplacement des polluants issus de la circulation automobile à l’entrée et à la sortie du tunnel d’une longueur conséquente créé par le projet, la réalisation de celui-ci entraînera également une augmentation de la concentration de dioxyde d’azote en plusieurs points de mesure aux alentours, en particulier rue Gustave Charpentier, dans laquelle sont situés des immeubles d’habitation et de bureaux et des établissements recevant du public, dont une résidence pour les personnes âgées.
12. Enfin, il ressort des pièces du dossier, notamment de l’étude d’impact, que les solutions envisagées afin de diminuer les conséquences d’une augmentation des polluants dans l’air, consistant en l’installation de murs anti-bruit et de murs végétaux, si elle aura globalement pour effet de diminuer la concentration de benzène et de particules fines, entraînera une augmentation significative de la concentration de dioxyde d’azote sur plusieurs points de mesure aux alentours du terrain d’assiette du projet dans un environnement où l’air est déjà très pollué. En outre, la légalité d’une décision s’appréciant à la date de la décision attaquée, la Ville de Paris ne se prévaut pas utilement de la carence du pouvoir réglementaire à prendre des mesures pour limiter la pollution et de l’hypothèse d’une diminution future de la circulation automobile dans le secteur.
13. Il résulte de ce qui précède que, dans les circonstances de l’espèce, compte-tenu de la situation du projet et de la configuration des lieux, du niveau de pollution résultant de la circulation à la date de la décision attaquée, dont la réduction à long terme est incertaine, et de l’impact attendu du projet sur ce niveau de pollution sur le terrain d’assiette et aux alentours, les requérants sont fondés à soutenir que le permis de construire attaqué autorise un projet qui est de nature à porter atteinte à la salubrité publique. Compte-tenu du dépassement des seuils de pollution dans l’air ambiant avant l’implantation du projet dans ce secteur particulièrement pollué et de l’emplacement même de l’immeuble projeté, qui conduirait à la création d’un tunnel sur le boulevard périphérique et au déplacement de la pollution automobile vers des zones habitées alentours, la maire de Paris ne pouvait assortir le projet de prescriptions spéciales satisfaisantes sans y apporter des modifications substantielles, lesquelles auraient nécessité une nouvelle étude d’impact. En outre, les mesures de protection envisagées par le pétitionnaire, lesquelles doivent être menées en concertation avec le porteur du projet « Mille Arbres », circonstance qui en rend par ailleurs la réalisation incertaine, ne sont pas suffisantes pour compenser les atteintes du projet à la santé publique. Il suit de là que les requérants sont fondés à soutenir que la maire de Paris a commis une erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme.
14. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n’est susceptible, en l’état de dossier, de fonder une décision d’annulation.
En ce qui concerne l’application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme :
15. Aux termes de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme : « Sans préjudice de la mise en oeuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. »
16. Il résulte de ces dispositions que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont l’annulation est demandée, sont susceptibles d’être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme. Le juge n’est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d’une part, si les conditions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme sont réunies et qu’il fait le choix d’y recourir, d’autre part, si le bénéficiaire de l’autorisation lui a indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l’autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même.
17. La régularisation du projet attaqué impliquerait que les modifications qui y seraient apportées entraînent une diminution globale, pérenne et suffisamment certaine des niveaux de concentration des polluants dans l’air ambiant sur le terrain d’assiette même du projet, qui a vocation à accueillir des habitations et des bureaux, et dans les rues adjacentes, dans lesquelles sont situés des immeubles d’habitation et des établissements recevant du public, dont un établissement scolaire et une résidence pour personnes âgées, afin que l’implantation de l’immeuble projeté ne conduise pas, en raison des déplacements de la pollution qu’il entraîne, à un dépassement des seuils de concentration de dioxyde d’azote et de particules fines dans l’air ambiant. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 13, l’illégalité dont le permis de construire est entaché n’apparaît pas susceptible d’être régularisée sans changer la nature même du projet. Dès lors, il n’y a pas lieu de surseoir à statuer en vue d’une mesure de régularisation.
18. Il résulte de tout ce qui précède que l’arrêté du 29 mars 2019 par lequel la maire de Paris a accordé à la société en nom collectif (SNC) Paris Ternes Villiers un permis de construire, implicitement confirmé sur recours gracieux, doit être annulé.
Sur les frais liés au litige :
19. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la Ville de Paris le versement de la somme de 1 500 € à la société Maria Luisa et une somme globale de même montant aux associations « Les amis de la Terre Paris », « France nature environnement Paris » et « France nature environnement Ile-de-France » au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des requérantes le versement des sommes que la SNC Paris Ternes Villiers et la Ville de Paris demandent au même titre.
Décide :
Article 1er : L’arrêté du 29 mars 2019 par lequel la maire de Paris a accordé à la société en nom collectif (SNC) Paris Ternes Villiers un permis de construire, implicitement confirmé sur recours gracieux, est annulé.
Article 2 : La Ville de Paris versera la somme de 1 500 € à la SAS Maria Luisa et la somme globale de 1 500 € à l’association « Les amis de la Terre Paris », à l’association « France nature environnement Paris » et à l’association « France nature environnement Ile-de-France » sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la SNC Paris Ternes Villiers et de la Ville de Paris tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) Maria Luisa, à l’association « Les amis de la Terre Paris », l’association « France nature environnement Paris » et l’association « France nature environnement Ile-de-France », à la société en nom collectif (SNC) Paris Ternes Villiers et à la Ville de Paris.