Conseil d’État
N° 407165
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
2ème – 7ème chambres réunies
Mme Sophie-Caroline de Margerie, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public
SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP RICHARD, avocats
lecture du lundi 4 décembre 2017
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. et Mme J…H…ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’annuler le permis délivré le 22 juillet 2014 par le maire d’Eclance à Mme B…E…, Mme K…C…, M. A…C…, Mme D…C…, Mme G…C…, M. I…C…et Mme L…F…en vue de la reconstruction d’un bâtiment agricole.
Par un jugement n° 1401960 du 5 mai 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ce permis de construire.
Par un arrêt n° 15NC001435 du 24 novembre 2016, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel formé par MmeE…, Mme F…et les consorts C…contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 janvier et 19 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, MmeE…, Mme F… et les consorts C…demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme H…la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d’Etat,
– les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de Mme E…et autres, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme H…et à la SCP Richard, avocat de la commune d’Eclance ;
1. Considérant qu’il ressort des pièces des dossiers soumis au juge du fond que, par un arrêté du 22 juillet 2014, le maire d’Eclance (Aube) a accordé à Mme B…E…, Mme K…C…, M. A…C…, Mme D…C…, Mme G…C…, M. I… C…et Mme L…F…, membres de l’indivisionC…, un permis de construire en vue de la reconstruction d’un bâtiment agricole ; que, sur la demande de M. et MmeH…, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ce permis ; que Mme B…E…, Mme K…C…, M. A…C…, Mme D…C…, M. I…C…et Mme L…F…se pourvoient en cassation contre l’arrêt du 24 novembre 2016 par lequel la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel qu’ils avaient formé contre ce jugement ;
2. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort de l’examen de la minute de l’arrêt attaqué que ce dernier porte les signatures requises par l’article R. 741-7 du code de justice administrative ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que selon l’article R.* 423-1 du code de l’urbanisme : » Les demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d’avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / (…) b) Soit, en cas d’indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire (…) » ; qu’aux termes de l’article R.*600-1 du même code : » En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l’encontre d’un (…) permis de construire (…), le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. (…) / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours (…) » ;
4. Considérant qu’en application des dispositions précitées de l’article R.*600-1, il appartient à l’auteur d’un recours tendant à l’annulation d’un permis de construire d’adresser au greffe de la juridiction copie du certificat de dépôt de la lettre recommandée par laquelle il a adressé copie de son recours à l’auteur de la décision contestée et au titulaire de l’autorisation ; qu’à l’égard de ce dernier, la formalité doit être regardée comme régulièrement accomplie lorsque la notification est faite au titulaire de l’autorisation tel que désigné par l’acte attaqué, à l’adresse qui y est mentionnée ; que, lorsqu’un permis de construire est délivré à plusieurs bénéficiaires, la notification doit être effectuée à l’égard de chacun des bénéficiaires du permis, tels que désignés, avec leur adresse, dans l’acte attaqué ; qu’en particulier, dans le cas où le permis est délivré aux membres d’une indivision, la notification doit être faite à ceux des
co-indivisaires qui ont présenté la demande de permis et dont le nom, comme l’adresse, figure dans l’acte attaqué ou, lorsque les co-indivisaires ont désigné un mandataire, à ce dernier à l’adresse figurant dans l’acte attaqué ;
5. Considérant que si Mme E…et autres soutiennent que M. et Mme H… n’ont pas, contrairement à ces exigences, notifié copie de leur recours de première instance à l’ensemble des membres de l’indivision titulaires du permis contesté, il résulte toutefois de l’article R. 424-15 du même code que : » Mention du permis explicite ou tacite (…) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l’extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l’arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite (…) est acquis et pendant toute la durée du chantier (…) / Cet affichage mentionne également l’obligation, prévue à peine d’irrecevabilité par l’article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l’auteur de la décision et au bénéficiaire du permis (…) » ; qu’en conséquence de ces dispositions, l’irrecevabilité tirée de l’absence d’accomplissement des formalités de notification prescrites par l’article R.*600-1 ne peut être opposée qu’à la condition que l’obligation de procéder à cette notification ait été mentionnée dans l’affichage sur le terrain du permis de construire ;
6. Considérant qu’il résulte des énonciations non contestées de l’arrêt attaqué, écartant une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance de M. et MmeH…, que la preuve de l’affichage régulier du permis sur le terrain n’a pas été rapportée par les membres de l’indivision C…; qu’il s’ensuit que ces derniers ne peuvent utilement se prévaloir de ce que M. et Mme H…n’ont notifié le recours qu’ils ont formé devant le tribunal administratif qu’au seul M. A…C…et non à l’ensemble des membres de l’indivision désignés sur le permis de construire, pour soutenir que la cour aurait dû opposer d’office à la demande de première instance l’irrecevabilité résultant du défaut d’accomplissement complet de la formalité prescrite par l’article R.*600-1 du code de l’urbanisme ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : » La reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d’urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement, dès lors qu’il a été régulièrement édifié » ; qu’en relevant que le hangar unique autorisé par le permis de construire contesté, qui remplace plusieurs bâtiments, n’avait pas la même implantation, la même surface, ni le même volume que les bâtiments détruits et en déduisant qu’il ne constituait pas une reconstruction à l’identique d’un bâtiment démoli pouvant être autorisée sur le fondement de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme, la cour, sans se méprendre sur la portée des écritures, a porté sur les faits de l’espèce et les pièces du dossier une appréciation souveraine qui est exempte de dénaturation ;
8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu’être rejetées ; que le permis contesté ayant été délivré au nom de l’Etat, la commune d’Eclance n’est pas partie à la présente instance et ne peut, par suite, utilement demander le bénéfice d’une somme au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, bien qu’elle ait été appelée en la cause pour produire des observations ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge des requérants la somme demandée par M. et Mme H…au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme B…E…, Mme K…C…, M. A…C…, Mme D…C…, M. I…C…et Mme F…est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la commune d’Eclance et de M. et Mme H…présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B…E…, Mme K…C…, M. A… C…, Mme D…C…, M. I…C…et Mme L…F…et au ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire. Copie en sera adressée à la commune d’Eclance.