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Autorisations d’urbanisme : la caducité notifiée au titulaire doit être précédée d’une procédure contradictoire !

Jugement rendu par Tribunal administratif de Montreuil
06-04-2023
n° 2204353
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 mars 2022 et 27 janvier 2023, la société Braxton Promotion 1, représentée par Me Perrineau, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 6 octobre 2021 par laquelle le maire de la commune de Montreuil a constaté que le permis de construire n° PC 93048 17 B 0139 dont elle est titulaire, relatif à la construction d’un hôtel de 91 chambres sur deux parcelles sises 78-80 rue Marceau, sur le territoire sa commune, était caduc depuis le 23 mars 2021, ensemble la décision rejetant implicitement son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Montreuil la somme de 4 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente ;

– cette décision est entachée d’un vice de procédure tiré de l’absence de respect de la procédure préalable contradictoire ;

– elle méconnaît l’article R 424-17 du code de l’urbanisme ;

– elle est entachée d’une erreur de droit et d’une erreur de qualification juridique dès lors qu’elle n’a pas pris en compte les règles de suspension des délais prévues par l’ordonnance du 25 mars 2020 ;

– elle est entachée d’une erreur de fait et d’une erreur de qualification juridique des faits dès lors que des travaux significatifs avait débutés avant le 23 mars 2021.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2023, la commune de Montreuil conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu :

– les autres pièces du dossier.

Vu :

– l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période ;

– le code des relations entre le public et l’administration ;

– le code de l’urbanisme :

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Weidenfeld, présidente-rapporteure,

– les conclusions de M. Löns, rapporteur public ;

– et les observations de Me Perrineau, représentant la société requérante, et de Mme Raoult, représentant la commune de Montreuil.

Considérant ce qui suit :

La société Braxton promotion 1 est titulaire d’un permis de construire un hôtel de 91 chambres sur deux parcelles sises 78-80 rue Marceau à Montreuil, délivré le 23 mars 2018 à un premier titulaire et qui lui a été transféré par le deuxième titulaire le 18 décembre 2020. Par un courrier daté du 6 octobre 2021, qui lui a été notifié le 26 octobre 2021, le maire de cette commune a déclaré ce permis caduc à compter du 23 mars 2021, en raison de l’absence de réalisation des travaux autorisés dans les délais prévus par le code de l’urbanisme. Par la présente requête, la société Braxton promotion 1 sollicite l’annulation de la décision déclarant la caducité du permis, ensemble la décision rejetant implicitement son recours gracieux.

En premier lieu, d’une part, aux termes de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration, « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable. » L’article L. 211-2 prévoient notamment que « les décisions qui : […] 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance » doivent être motivées.

D’autre part, aux termes des dispositions de l’article R 424-17 du code de l’urbanisme : « Le permis de construire, d’aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l’article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / […]. »

La péremption du permis de construire instituée par les dispositions de l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme est acquise par le seul laps du temps qu’elles prévoient lorsque les constructions n’ont pas été entreprises ou ont été interrompues. Toutefois, la décision déclarant la caducité d’un permis de construire, qui est opposée du seul fait de l’expiration d’un délai, fait obstacle à ce que le bénéficiaire continue à se prévaloir de son permis de construire, alors même que l’administration pourrait, notamment en raison de la configuration du terrain ou de la nature des travaux entrepris, ne pas être en mesure d’apprécier pleinement la réalité de ceux-ci. Cette décision doit, par conséquent, être regardée comme une décision individuelle opposant une déchéance, au sens du 5° de de l’article L. 211-2 précité. Par suite, cette décision est au nombre de celles qui sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable.

Dès lors qu’il est constant qu’aucune procédure contradictoire préalable n’est intervenue en l’espèce, la requérante est fondée à soutenir que la méconnaissance des dispositions précitées entache d’illégalité la décision attaquée.

En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l’article R 424-10 de ce même code : « La décision accordant ou refusant le permis ou s’opposant au projet faisant l’objet d’une déclaration préalable est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception postal. / […]. »

D’une part, il est constant que le maire de la commune de Montreuil a calculé le délai de validité du permis de construire délivré le 23 mars 2018 en prenant cette date pour point de départ, et non celle de sa notification au pétitionnaire. Or, contrairement à ce que soutient la commune, les seules circonstances que l’article 6 de cet arrêté indique « ampliation du présent arrêté sera affichée et transmise à l’intéressé » et que le courrier du 6 octobre mentionne que le « permis de construire […] a été délivré le 23 mars 2018 » ne sauraient suffire à établir que l’arrêté aurait été notifié à son premier titulaire le 23 mars 2018.

D’autre part, dès lors qu’aucune pièce du dossier ne permet d’établir que le permis litigieux aurait été notifié au titulaire initial avant le 13 juin 2019, date de son transfert au deuxième titulaire, le maire de la commune de Montreuil a entaché son arrêté d’illégalité en estimant que le délai de trois ans au-delà duquel le permis était périmé avait expiré le 23 mars 2021.

En troisième lieu, si le compte-rendu du 9 juin 2021 produit par la commune établit que des travaux visibles depuis l’espace public n’avaient pas débuté à cette date, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de mission de repérage des matériaux et produits contenant de l’amiante en date du 30 décembre 2020 et du procès-verbal d’huissier en date du 26 mars 2021, établi à la demande de la société requérante, que des travaux de démolition significatifs, compte tenu des précautions impliquées par les conclusions des prélèvements réalisés au titre de la mission de repérage mentionnée ci-dessus, avaient été réalisés à cette date à l’intérieur de la parcelle. Par suite, en relevant qu’aucuns travaux n’avaient été réalisés avant le 9 juin 2021, le maire de la commune de Montreuil a entaché sa décision d’erreur de fait.

Aux termes de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme : « Lorsqu’elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d’urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l’ensemble des moyens de la requête qu’elle estime susceptibles de fonder l’annulation ou la suspension, en l’état du dossier. » Aucun autre moyen n’est susceptible de fonder, en l’état du dossier, l’annulation de la décision attaquée.

Il résulte de tout ce qui précède que la société Braxton promotion 1 est fondée à demander l’annulation de la décision du 6 octobre 2021 constatant la caducité de son permis de construire n° PC 93048 17 B0139.

Sur les frais liés au litige :

Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Montreuil la somme de 2 000 € au titre des frais exposés par la société Braxton promotion 1, et non compris dans les dépens.

Décide :

Article 1er : La décision du 6 octobre 2021 par laquelle le maire de la commune Montreuil a constaté la caducité du permis n° PC 93048 17 B0139 est annulée.

Article 2 : La commune de Montreuil versera à la société Braxton promotion 1 la somme de 2 000 (deux mille) € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Braxton promotion 1 et à la commune de Montreuil.

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