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Autorisation d’urbanisme : un permis de construire modificatif peut régulariser un vice d’incompétence entachant le permis initial !

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
30-06-2023
n° 463230

Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

M. C. B. et Mme D. épouse B. ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 2 mai 2019 par lequel le maire de Fenouillet a délivré à la société par actions simplifiée AFC Promotion un permis de construire un ensemble immobilier de quarante-cinq logements avec stationnements aériens, ainsi que la décision du 12 juillet 2019 rejetant leur recours gracieux.

Par un premier jugement n° 1905305 du 16 avril 2021, le tribunal administratif de Toulouse a sursis à statuer, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, et imparti à la société AFC Promotion et à la commune de Fenouillet un délai de deux mois pour justifier de la régularisation du vice tiré de l’incompétence du signataire de l’arrêté du 2 mai 2019.

Par un second jugement n° 1905305 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’arrêté du 2 mai 2019 et la décision rejetant le recours gracieux.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 avril et 1er juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société AFC Promotion demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ces deux jugements ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de M. et Mme B. ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme B. la somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code général des collectivités territoriales ;

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d’Etat,

– les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société AFC Promotion ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 juin 2023, présentée par la société AFC Promotion ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 2 mai 2019, le maire de Fenouillet a délivré à la société AFC Promotion un permis de construire un ensemble immobilier de quarante-cinq logements avec stationnements aériens. M. et Mme B., voisins du projet, ont demandé au tribunal administratif de Toulouse l’annulation pour excès de pouvoir de ce permis et du rejet de leur recours gracieux. Par un premier jugement du 16 avril 2021, le tribunal a sursis à statuer, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, pour permettre la régularisation du vice tenant à l’incompétence du signataire de l’arrêté du 2 mai 2019. Un permis de construire modificatif tacite a été délivré à la société AFC Promotion par le maire de Fenouillet le 15 septembre 2021. Par un second jugement du 29 mars 2022, le tribunal, estimant que ce permis modificatif ne régularisait pas le vice relevé dans le premier jugement, a annulé le permis du 2 mai 2019 ainsi que le rejet du recours gracieux contre ce permis. La société AFC Promotion se pourvoit en cassation contre ces deux jugements.

Sur le pourvoi, en tant qu’il est dirigé contre le premier jugement du 16 avril 2021 :

2. Aux termes de l’article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la date du permis de construire initial : « Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu’à leur transmission au représentant de l’Etat dans le département ou à son délégué dans l’arrondissement. […] / Le maire peut certifier, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. / […] La publication ou l’affichage des actes mentionnés au premier alinéa sont assurés sous forme papier. La publication peut également être assurée, le même jour, sous forme électronique, dans des conditions, fixées par un décret en Conseil d’Etat, de nature à garantir leur authenticité. […]. »

3. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour juger que l’arrêté du 21 avril 2017 du maire de Fenouillet donnant délégation de fonctions à M. A., adjoint au maire, dans le domaine de l’urbanisme, n’était pas exécutoire à la date du permis de construire initial, le tribunal administratif a constaté que cet arrêté, s’il avait été transmis au représentant de l’Etat dans le département, n’avait pas fait l’objet d’une publication ou d’un affichage conforme aux dispositions citées au point précédent. En statuant ainsi, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, le tribunal, qui n’a pas insuffisamment motivé son jugement, n’a pas commis d’erreur de droit.

4. Il s’ensuit que les conclusions du pourvoi tendant à l’annulation du premier jugement du 16 avril 2021, par lequel le tribunal a retenu l’existence d’un vice et décidé de surseoir à statuer pour permettre la régularisation de ce vice, doivent être rejetées.

Sur le pourvoi, en tant qu’il est dirigé contre le second jugement du 29 mars 2022 :

5. Aux termes de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme : « Sans préjudice de la mise en oeuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. »

6. Lorsqu’une autorisation d’urbanisme est entachée d’incompétence, qu’elle a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l’autorisation, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d’une autorisation modificative dès lors que celle-ci est compétemment accordée pour le projet en cause, qu’elle assure le respect des règles de fond applicables à ce projet, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l’exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue par l’autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l’effet d’un changement dans les circonstances de fait de l’espèce. Il en va de même dans le cas où le bénéficiaire de l’autorisation initiale notifie en temps utile au juge une décision individuelle de l’autorité administrative compétente valant mesure de régularisation à la suite d’un jugement décidant, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, de surseoir à statuer sur une demande tendant à l’annulation de l’autorisation initiale. Dès lors que cette nouvelle autorisation assure la régularisation de l’autorisation initiale, les conclusions tendant à l’annulation de l’autorisation initialement délivrée doivent être rejetées.

7. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour juger que le permis modificatif sollicité à la suite du premier jugement n’avait pu régulariser le vice constaté par ce premier jugement et annuler en conséquence le permis de construire initial, le tribunal s’est fondé sur le seul motif que le dossier de demande de permis modificatif ne spécifiait pas qu’il était sollicité à cette fin. En déduisant de cette seule circonstance que le permis de construire modificatif délivré ne pouvait être regardé comme ayant régularisé le vice dont était entaché le permis de construire initial, sans rechercher s’il ne résultait pas d’autres éléments du dossier, tels que la chronologie dans laquelle s’inscrivait la demande de permis modificatif ou les échanges intervenus avec la commune à l’occasion de son instruction, qu’il avait en l’espèce eu cet objet, le tribunal a commis une erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède que la société AFC Promotion est fondée à demander l’annulation du jugement du 29 mars 2022 qu’elle attaque.

9. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. et Mme B. la somme que la société AFC Promotion demande au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Décide :

Article 1er : Le jugement du 29 mars 2022 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée au tribunal administratif de Toulouse.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée AFC Promotion et à M. C. B. et Mme D. épouse B.

Copie en sera adressée à la commune de Fenouillet.

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