Vu la procédure suivante :
Le syndicat des copropriétaires du 1er rue Marx Lang a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 3 octobre 2018 par lequel le maire de Nouméa a délivré à la SCI Fly 2018 un permis de construire en vue de l’aménagement, sur un terrain situé 5, rue Jenner, d’une piscine et d’un bloc sanitaire avec vestiaire et débarras.
Par un jugement avant-dire droit n° 1800473 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a sursis à statuer en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme et, par un jugement du 16 janvier 2020, a rejeté la demande du syndicat des copropriétaires du 1er rue Marx Lang dirigée contre le permis de construire initial et le permis modificatif du 22 mai 2019 que lui avait transmis la SCI Fly à la suite de l’invitation à régulariser contenue dans le jugement avant-dire droit.
Par un arrêt n° 20PA01210 et 20PA01211 du 24 février 2022, la cour administrative d’appel de Paris a, sur appel de la société des copropriétaires du 1er rue Marx Lang, annulé les jugements des 16 mai 2019 et 16 janvier 2020, ainsi que les permis de construire initial du 3 octobre 2018 et modificatif du 22 mai 2019.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 avril 2022 et 22 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Nouméa demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt en tant qu’il a fait droit aux requêtes du syndicat des copropriétaires du 1er rue Marx Lang ;
2°) réglant l’affaire au fond dans cette mesure, de rejeter ces requêtes d’appel, en faisant usage, le cas échéant, des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ;
3°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires du 1er rue Marx Lang à Nouméa la somme de 5 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 13 mars 1999 ;
– le code de l’urbanisme de la Nouvelle-Calédonie ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Jean de L’Hermite, conseiller d’Etat,
– les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de la commune de Nouméa et à la SCP Buk Lament-Robillot, avocat du syndicat des copropriétaires du 1er rue Marx Lang ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 3 octobre 2018, le maire de Nouméa a délivré à la SCI Fly 2018 un permis de construire en vue de l’aménagement, sur un terrain situé 5 rue Jenner, d’une piscine et d’un bloc sanitaire avec vestiaires et débarras. Par un jugement du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande du syndicat des copropriétaires du 1er rue Marx Lang tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de ce permis de construire ainsi que du permis modificatif qui lui avait été communiqué à la suite de son jugement avant dire droit du 16 mai 2019 pris sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme. Ce permis modificatif, délivré le 22 mai 2019, visait à régulariser un vice tiré de la méconnaissance des règles relatives à la superficie des espaces aménagés en espaces plantés en pleine terre fixées par l’article UB1-13 du plan d’urbanisme directeur de Nouméa. Par un arrêt du 24 février 2022, contre lequel la commune de Nouméa se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Paris, faisant droit aux conclusions de la requête du syndicat des copropriétaires du 1er rue Marx Lang, a annulé les jugements des 16 mai 2019 et 16 janvier 2020 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, ainsi que les permis de construire initial et modificatif en litige en se fondant sur une méconnaissance des dispositions de l’article UB1-12 du règlement du plan d’urbanisme directeur de Nouméa relatives aux places de stationnement.
2. Aux termes de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme : « Sans préjudice de la mise en oeuvre de l’article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l’autorisation pourra en demander la régularisation, même après l’achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d’annulation partielle est motivé ». Aux termes de l’article L. 600-5-1 du même code : « Sans préjudice de la mise en oeuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ».
3. Il résulte de ces dispositions qu’un vice entachant le bien-fondé d’une autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé dans les conditions qu’elles prévoient, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même.
4. Après avoir jugé, par une appréciation souveraine suffisamment motivée et non entachée de dénaturation, que le projet en litige, qui porte sur la rénovation d’une maison d’habitation et la création à proximité d’une piscine ainsi que d’un vestiaire et d’un débarras, ne permettait pas, eu égard à l’activité projetée d’accueil d’enfants à la piscine, de satisfaire aux exigences du nombre de places de stationnement minimal correspondant aux besoins de la construction ou de l’installation, édictées par l’article UB1-12 du règlement du plan d’urbanisme directeur applicable, la cour administrative d’appel de Paris a écarté la possibilité que ce vice soit susceptible de faire l’objet d’une mesure de régularisation en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ou d’une annulation partielle en application de l’article L. 600-5 du même code.
5. Elle a, d’une part, pour statuer ainsi, retenu que la possibilité de créer des places supplémentaires sur le terrain d’assiette du projet n’apparaissait pas envisageable compte tenu de la taille du terrain et de la nécessité d’y prévoir des espaces plantés pour respecter les exigences de l’article UB1-13 du plan d’urbanisme directeur de Nouméa. Toutefois, en fondant ainsi son appréciation sur le seul projet existant, sans tenir compte de la possibilité pour le pétitionnaire de faire évoluer celui-ci et d’en revoir, le cas échéant, l’économie générale sans en changer la nature, la cour a commis une erreur de droit.
6. Prenant en compte, d’autre part, les dispositions de l’article UB1-12 du règlement applicable à la date de son arrêt, qui avaient évolué en élargissant les possibilités de prévoir des places de stationnement hors de la parcelle, dans l’environnement du projet, elle a estimé que la commune de Nouméa n’apportait pas de précision sur la possibilité, contestée en défense, de réaliser des places de stationnement dans l’environnement immédiat de la construction. Toutefois, en exigeant qu’une telle possibilité soit établie devant elle dès ce stade de la procédure, alors qu’une telle analyse suppose de prendre en compte les évolutions susceptibles d’être apportées au projet et la recherche, le cas échéant, d’accords de tiers pour assurer un stationnement dans l’environnement du projet, elle a également commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Nouméa est seulement fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué en tant qu’il rejette ses conclusions tendant à l’application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme et, par voie de conséquence, d’une part, annule les jugements du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en date du 16 mai 2019 et 16 janvier 2020, ainsi que les permis de construire litigieux et, d’autre part, fait droit aux conclusions du syndicat des copropriétaires du 1er rue Marx Lang présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires du 1er rue Marx Lang la somme de 3 000 € à verser à la commune de Nouméa au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce soient mises à la charge de la commune, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que demande à ce titre le syndicat des copropriétaires du 1er rue Marx Lang.
Décide :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 24 février 2022 est annulé en tant qu’il rejette les conclusions de la commune de Nouméa tendant à la mise en oeuvre des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme et, par voie de conséquence, d’une part, annule les jugements du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie des 16 mai 2019 et 16 janvier 2020, ainsi que les permis de construire initial délivré le 3 octobre 2018 et modificatif délivré le 22 mai 2019 à la SCI Fly 2018 et d’autre part, fait droit aux conclusions du syndicat des copropriétaires du 1er rue Marx Lang présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative .
Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Paris dans la mesure de l’annulation prononcée.
Article 3 : Le syndicat des copropriétaires du 1er rue Marx Lang versera à la commune de Nouméa la somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la commune de Nouméa et les conclusions du syndicat des copropriétaires du 1er rue Marx Lang présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Nouméa, au syndicat des copropriétaires du 1er rue Marx Lang et à la société Fly 2018.