Vu la procédure suivante :
Mme D. A. et M. C. B. ont demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 11 avril 2022 par lequel le maire de Taluyers (Rhône) a délivré à la société anonyme d’habitations à loyer modéré Alliade Habitat un permis de construire un ensemble immobilier de dix-sept logements sociaux répartis dans trois bâtiments d’habitation avec stationnements en sous-sol. Par un jugement n° 2207194 du 6 juillet 2023, le tribunal administratif de Lyon, faisant application de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, a partiellement annulé ce permis, d’une part, en tant qu’il était incompatible avec les dispositions de l’orientation d’aménagement et de programmation n° 1, dite de La Tour-Sainte Maxime, du plan local d’urbanisme de Taluyers et, d’autre part, en tant qu’il méconnaissait les dispositions de l’article UB 10 du règlement de ce plan.
Par une ordonnance n° 23LY02848 du 26 octobre 2023, enregistrée le 27 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le président de la cour administrative d’appel de Lyon a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 6 septembre 2023 au greffe de cette cour, présenté par la société Alliade Habitat.
Par ce pourvoi, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 27 décembre 2023 et le 2 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Alliade Habitat demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de Mme A. et M. B. ;
3°) de mettre à la charge solidaire de Mme A. et M. B. la somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,
– les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la société Alliade Habitat et au cabinet François Pinet, avocat de Mme A. et M. B. ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 11 avril 2022, le maire de Taluyers a délivré à la société d’habitations à loyer modéré Alliade Habitat un permis de construire un ensemble immobilier de dix-sept logements. Mme A. et M. B., voisins du projet, ont demandé au tribunal administratif de Lyon l’annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté. La société Alliade Habitat se pourvoit en cassation contre le jugement du 6 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon, faisant application de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, a partiellement annulé le permis litigieux en tant, d’une part, qu’il est incompatible avec les dispositions de l’orientation d’aménagement et de programmation n° 1, dite de La Tour-Sainte Maxime, du plan local d’urbanisme et, d’autre part, qu’il méconnaît les dispositions de l’article UB 10 du règlement de ce plan.
2. En vertu de l’article L. 151-2 du code de l’urbanisme, le plan local d’urbanisme comprend un rapport de présentation, un projet d’aménagement et de développement durables, des orientations d’aménagement et de programmation, un règlement et des annexes, chacun de ces éléments pouvant comprendre des documents graphiques. Aux termes de l’article L. 151-6 du même code : « Les orientations d’aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l’aménagement, l’habitat, les transports, les déplacements […]. » Selon le I de l’article L. 151-7 de ce code : « Les orientations d’aménagement et de programmation peuvent notamment : / […] 2° Favoriser la mixité fonctionnelle en prévoyant qu’en cas de réalisation d’opérations d’aménagement, de construction ou de réhabilitation un pourcentage de ces opérations est destiné à la réalisation de commerces […]. » Enfin, aux termes de l’article L. 152-1 du même code : « L’exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d’installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu’elles existent, avec les orientations d’aménagement et de programmation. » Il résulte de ces dispositions qu’une autorisation d’urbanisme ne peut être légalement délivrée si les travaux qu’elle prévoit sont incompatibles avec les orientations d’aménagement et de programmation d’un plan local d’urbanisme et, en particulier, en contrarient les objectifs. Cette compatibilité s’apprécie en procédant à une analyse globale des effets du projet sur l’objectif ou les différents objectifs d’une orientation d’aménagement et de programmation, à l’échelle de la zone à laquelle ils se rapportent.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le plan local d’urbanisme de Taluyers, approuvé le 29 février 2016, comporte une orientation d’aménagement et de programmation, applicable dans le périmètre d’assiette du projet litigieux, qui prévoit, pour renforcer la mixité fonctionnelle à l’entrée du village et garantir la mise en oeuvre du projet communal dans les dix années à venir, qu’« une part importante des surfaces de plancher aménagées dans le cadre du renouvellement potentiel des parcelles longeant la route du Prieuré, au nord du périmètre, devra ainsi permettre l’accueil d’activités de services ». Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu’en jugeant que le permis litigieux n’était pas compatible avec cette orientation d’aménagement et de programmation au seul motif qu’il prévoit la création de dix-sept logements à usage d’habitation répartis dans trois bâtiments sans qu’une partie des surfaces de plancher créées en rez-de-chaussée ne permette l’accueil d’activités de services, sans rechercher si les effets de ce projet devaient être regardés comme suffisants pour contrarier, par eux-mêmes, les objectifs de l’orientation d’aménagement et de programmation à l’échelle de la zone à laquelle cette orientation se rapportait, le tribunal a commis une erreur de droit.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre moyen du pourvoi, que la société Alliade Habitat est fondée à demander l’annulation du jugement attaqué.
5. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la société Alliade Habitat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme A. et M. B. le versement d’une somme à la société Alliade Habitat à ce titre.
Décide :
Article 1er : Le jugement du 6 juillet 2023 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée au tribunal administratif de Lyon.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme d’habitations à loyer modéré Alliade Habitat, à Mme D. A. et M. C. B. et à la commune de Taluyers.
Conseil d’Etat, 18 novembre 2024, n° 489066, Alliade Habitat (Sté)