Conseil d’État
N° 380498
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère / 6ème SSR
Mme Julia Beurton, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
FOUSSARD ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats
Lecture du lundi 16 mars 2015
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B…A…a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du 12 mai 2011 et l’arrêté du 17 juin 2011 par lesquels le maire de Paris a autorisé la société PSIM à construire un immeuble à usage d’habitation situé 7/9 impasse Truillot à Paris. Par un jugement n° 1214045 du 7 juin 2013, le tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions.
Par un arrêt n°s 13PA03169, 13PA03170 du 20 mars 2014, la cour administrative d’appel de Paris a, d’une part, rejeté l’appel formé par la ville de Paris contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 juin 2013 et, d’autre part, dit n’y avoir pas lieu de statuer sur la requête de la ville de Paris tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement.
Procédure devant le Conseil d’Etat
Par un pourvoi, enregistré le 20 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la ville de Paris demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 20 mars 2014 ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de M. A…la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Julia Beurton, maître des requêtes,
– les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Foussard, avocat de la ville de Paris et, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A…;
1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision implicite du 12 mai 2011 puis un arrêté du 17 juin 2011, le maire de Paris a autorisé la société PSIM à construire un immeuble à usage d’habitation situé 7/9 impasse Truillot ; qu’il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le projet envisagé, qui impliquait une démolition suivie d’une reconstruction, afin de surélever de deux niveaux un bâtiment à usage d’atelier et de le transformer en immeuble à usage d’habitation, a fait l’objet d’un avis favorable de l’architecte des Bâtiments de France, émis le 11 janvier 2011 ; que, par un arrêt du 20 mars 2014, la cour administrative d’appel de Paris a, d’une part, confirmé le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 juin 2013 annulant la décision implicite du 12 mai 2011 et l’arrêté du 17 juin 2011 au motif que l’architecte des Bâtiments de France ne pouvait être regardé comme s’étant prononcé sur le volet démolition du projet et, d’autre part, prononcé un non-lieu à statuer sur la demande présentée par la ville de Paris tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement ; que la ville de Paris doit être regardée comme demandant l’annulation de cet arrêt en tant qu’il a rejeté son appel ;
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 451-1 du code de l’urbanisme : » Lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d’aménagement, la demande de permis de construire ou d’aménager peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l’aménagement. Dans ce cas, le permis de construire ou le permis d’aménager autorise la démolition » ; qu’aux termes de l’article R. 425-30 du même code : » Lorsque le projet est situé dans un site inscrit, la demande de permis ou la déclaration préalable tient lieu de la déclaration exigée par l’article L. 341-1 du code de l’environnement. Les travaux ne peuvent être entrepris avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande ou de la déclaration. / La décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable intervient après consultation de l’architecte des Bâtiments de France » ; qu’aux termes de l’article R. 425-18 du même code : » Lorsque le projet porte sur la démolition d’un bâtiment situé dans un site inscrit en application de l’article L. 341-1 du code de l’environnement, le permis de démolir ne peut intervenir qu’avec l’accord exprès de l’architecte des Bâtiments de France » ;
3. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que lorsque la démolition d’un bâtiment situé dans un site inscrit est nécessaire à une opération de construction et que la demande de permis de construire porte à la fois sur la démolition et la construction, le permis de construire, qui autorise également la démolition, ne peut intervenir qu’avec l’accord exprès de l’architecte des Bâtiments de France ; que lorsque la demande de permis de construire porte à la fois sur la démolition et sur la construction et que les documents qui y sont joints présentent de manière complète les deux volets de l’opération, l’avis de l’architecte des Bâtiments de France exigé par les articles R. 425-18 et R. 425-30 du code de l’urbanisme doit être regardé comme portant sur l’ensemble de l’opération projetée, sans qu’il soit nécessaire que cet avis mentionne expressément la démolition ;
4. Considérant qu’il suit de là qu’en jugeant que l’avis favorable rendu par l’architecte des Bâtiments de France le 11 janvier 2011 sur le projet litigieux ne pouvait être regardé comme portant sur l’ensemble de l’opération au seul motif que cet avis ne visait que la demande de permis de construire et non la démolition préalable à la construction, alors qu’elle avait relevé qu’une demande de permis de construire valant également permis de démolir avait été sollicitée, la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit ;
5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la ville de Paris est fondée à demander l’annulation des articles 2 et 3 de l’arrêt qu’elle attaque ;
6. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la ville de Paris, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. A…une somme de 3 000 euros à verser à la ville de Paris au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 2 et 3 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 20 mars 2014 sont annulés.
Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d’appel de Paris.
Article 3 : M. A…versera une somme de 3 000 euros à la ville de Paris au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. A…au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la ville de Paris et à M. B…A….