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Aménagement urbain : la création d’un accès public à une voie privée, depuis la voie publique, doit recueillir l’accord des propriétaires !

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
25-10-2024
n° 490521
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :Mme A. B. a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’annuler la décision de la commune de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine) de créer, depuis le square des Bleuets, un accès débouchant sur la voie privée dite rue des Bleuets. Par un jugement n° 1803391 du 7 décembre 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21VE00351 du 27 octobre 2023, la cour administrative d’appel de Versailles a, sur appel de Mme B., annulé ce jugement, annulé la décision de la commune de La Garenne-Colombes de créer cet accès et enjoint à cette commune de le condamner dans un délai d’un mois à compter de la notification de son arrêt.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 décembre 2023, 27 mars 2024 et 21 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de La Garenne-Colombes demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter les demandes de Mme B. ;

3°) de mettre à la charge de Mme B. la somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code civil ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maîtresse des requêtes,

– les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Commune de La Garenne-Colombes et à la SARL cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de Mme B. ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la commune de La Garenne-Colombes a décidé d’aménager sur des terrains dont elle est devenue propriétaire un espace vert, dénommé « square des Bleuets », ouvert sur chacune des voies à l’intersection desquelles il se situe, la rue Veuve-Lacroix, qui est une voie communale, et la rue des Bleuets, qui constitue une voie privée détenue en indivision par les propriétaires riverains réunis au sein d’une association de gestion. Mme A. B., qui est propriétaire d’un appartement dans un immeuble situé rue des Bleuets, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’annuler la décision d’ouverture d’un accès débouchant dans la rue des Bleuets révélée par la communication, à sa demande, le 23 mars 2018, des plans des travaux de création du square des Bleuets, et d’enjoindre à la commune de La Garenne-Colombes de condamner tout accès de ce type, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir. La commune de La Garenne-Colombes se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 27 octobre 2023 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles, après avoir annulé le jugement du 7 décembre 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ayant rejeté les demandes de Mme B., a annulé la décision de la commune prévoyant une ouverture du square des Bleuets au droit de la rue des Bleuets et lui a enjoint de condamner l’ouverture réalisée dans un délai d’un mois à compter de la notification de son arrêt.

Sur la recevabilité de la demande de Mme B. :

2. D’une part, doit être écarté le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en s’abstenant de relever d’office l’irrecevabilité de la requête de Mme B. au motif qu’elle ne serait pas dirigée contre une décision susceptible de recours, dès lors que, contrairement à ce que soutient la commune, la communication des plans des travaux à Mme B. révélait, ainsi que l’a relevé la cour, l’existence de la décision de la commune de réaliser un tel accès.

3. D’autre part, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n’a pas donné aux faits de l’espèce une inexacte qualification juridique en jugeant que Mme B. justifiait, en sa qualité de copropriétaire riveraine de la rue des Bleuets, d’un intérêt lui permettant de demander l’annulation de la décision de la commune de créer, depuis le square des Bleuets, un accès débouchant dans cette voie privée.

Sur la légalité de la décision révélée le 23 mars 2018 :

4. Une commune ne saurait, sans porter d’atteinte illégale au droit de propriété, ouvrir, à partir d’un terrain communal, un accès à une voie privée non ouverte à la circulation publique, sauf à avoir obtenu le consentement des propriétaires de cette voie.

5. En premier lieu, la cour s’est, sans erreur de droit, livrée à une appréciation souveraine des faits de l’espèce, exempte de dénaturation, en jugeant que les travaux d’aménagement en cause avaient pour effet d’ouvrir la rue des Bleuets à la circulation publique, la circonstance que la barrière d’enceinte du square, à travers laquelle l’accès en litige a été réalisé, soit en léger retrait par rapport à la limite des parcelles sur lesquelles le square a été aménagé étant en l’espèce dépourvue d’incidence.

6. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour s’est fondée, pour juger illégale la décision litigieuse, non sur les termes de de la convention de droit privé du 24 janvier 1911 conclue entre les copropriétaires de la voie privée, mais sur l’absence de consentement des copropriétaires de cette voie. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en appréciant la légalité de la décision communale au regard de cette convention de droit privé ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté.

7. En troisième lieu, la commune de La Garenne-Colombes ne peut utilement soutenir, à titre subsidiaire, que la cour aurait commis une erreur de droit et dénaturé les faits et les pièces du dossier qui lui était soumis en retenant qu’elle avait illégalement procédé à l’ouverture à la circulation publique de la rue des Bleuets, alors qu’en vertu des stipulations de la convention du 24 janvier 1911, elle dispose, en sa qualité de propriétaire de terrains desservis par cette rue, d’un droit de circulation et de desserte, dont l’exercice n’est pas subordonné à l’accord des autres indivisaires, dès lors que de telles possibilités d’usage dont disposerait une personne publique en tant que membre de l’indivision ne sauraient se confondre avec la possibilité d’autoriser un usage pour la circulation publique.

8. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en enjoignant à la commune de La Garenne-Colombes, après avoir annulé la décision attaquée, de condamner l’ouverture du square des Bleuets.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Garenne-Colombes n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B. qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de La Garenne-Colombes la sommes de 3 000 € à verser à Mme B. au titre de ces mêmes dispositions.

Décide :

Article 1er : Le pourvoi de la commune de La Garenne-Colombes est rejeté.

Article 2 : La commune de La Garenne-Colombes versera une somme de 3 000 € à Mme B. au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de La Garenne-Colombes et à Mme A. B.

Conseil d’Etat, 25 octobre 2024, n° 490521, Commune de la Garenne-Colombes

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