Les dernières nouvelles

Aménagement urbain : desserte d’un terrain privé, un accès à la voie publique est suffisant, deux c’est trop !

Jugement rendu par Tribunal administratif de Toulouse
28-09-2023
n° 2104652
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juillet 2021 et 27 septembre 2022, Mme C. B. demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Lagardelle-sur-Lèze lui a refusé l’autorisation d’entreprendre des travaux pour établir un nouvel accès à la voie publique depuis sa propriété ;

2°) d’enjoindre au maire de la commune de Lagardelle-sur-Lèze de réexaminer sa situation.

Elle soutient que :

– la décision attaquée n’est pas motivée ;

– elle est entachée d’une erreur de droit dès lors que les riverains d’une voie publique ont le droit d’accéder librement à leur propriété et qu’ainsi, le maire de la commune de Lagardelle-sur-Lèze aurait dû rechercher si un aménagement léger sur le domaine public aurait été de nature à permettre de faire droit à sa demande dans de bonnes conditions de sécurité ;

– elle est entachée d’une erreur d’appréciation dès lors que le maire de la commune de Lagardelle-sur-Lèze a estimé à tort que le nouvel accès à sa propriété était de nature à porter atteinte à la sécurité de la circulation publique ;

– elle est entachée d’un détournement de pouvoir.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 10 novembre 2021 et 13 octobre 2022, la commune de Lagardelle-sur-Lèze, représentée par Me Courrech, conclut au rejet de la requête de Mme B. et à ce que la somme de 1 500 € soit mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

– à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que la décision implicite de rejet confirme l’avis défavorable opposé à la requérante par arrêté du 6 avril 2020 lui accordant un permis de construire pour la construction implantée sur le terrain objet de la demande d’accès ;

– à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 18 octobre 2022, la clôture d’instruction a été fixée en dernier lieu au 30 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Lucas, rapporteure,

– les conclusions de Mme Matteaccioli, rapporteure publique,

– et les observations de Me Niang, substituant Me Courrech, représentant la commune de Lagardelle-sur-Lèze.

Considérant ce qui suit :

1. Le 4 février 2021, Mme C. B., propriétaire d’une maison d’habitation située à Lagardelle-sur-Lèze (Haute-Garonne), a demandé au maire de cette commune l’autorisation d’entreprendre des travaux d’aménagement pour établir un nouvel accès à la voie publique depuis sa propriété. Par une décision implicite née le 4 avril 2021, le maire de la commune de Lagardelle-sur-Lèze a refusé de lui délivrer l’autorisation sollicitée.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 232-4 du code des relations entre le public et l’administration : « Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n’est pas illégale du seul fait qu’elle n’est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l’intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande […] ».

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B. a demandé la communication des motifs de la décision implicite née le 4 avril 2021 dans le délai de recours contentieux et que le maire de la commune de Lagardelle-sur-Lèze lui a communiqué les motifs de cette décision le 18 juin 2021, soit dans le délai d’un mois qui lui était imparti. Le courrier du 18 juin 2021 comportant l’ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles le maire s’est fondé, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée doit ainsi être écarté.

4. En deuxième lieu, sauf dispositions législatives contraires, les riverains d’une voie publique ont le droit d’accéder librement à leur propriété, et notamment, d’entrer et de sortir des immeubles à pied ou avec un véhicule. Dans le cas d’une voie communale, le maire ne peut refuser d’accorder un tel accès, qui constitue un accessoire du droit de propriété, que pour des motifs tirés de la conservation et de la protection du domaine public ou de la sécurité de la circulation sur la voie publique. Lorsque l’accès à la voie publique avec un véhicule est de nature à mettre en cause la sécurité de la circulation, le maire n’est pas tenu de permettre l’accès en modifiant l’emprise de la voie publique. Toutefois, il ne peut refuser un tel accès sans rechercher si un aménagement léger sur le domaine public, qui serait légalement possible, ne serait pas de nature à permettre de faire droit à la demande dans de bonnes conditions de sécurité. La réalisation et l’entretien de cet aménagement destiné à assurer la sécurité de la circulation sur la voie publique incombent à la commune, mais l’autorisation peut être subordonnée à la condition que le pétitionnaire accepte de prendre à sa charge tout ou partie du coût de la réalisation et de l’entretien de l’aménagement en cause, compte tenu de son utilité éventuelle pour des besoins généraux de la circulation sur la voie publique.

5. Le principe du libre accès des riverains à leur propriété n’emporte néanmoins aucun droit à l’amélioration d’un accès existant. Il en résulte que la règle selon laquelle le maire ne peut refuser un accès à la voie publique sans rechercher si un aménagement léger sur le domaine public lui permettrait de faire droit à la demande dans de bonnes conditions de sécurité n’a pas vocation à s’appliquer à la création d’un nouvel accès à la voie publique depuis une parcelle disposant déjà d’un premier accès.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B. dispose déjà d’un accès à sa propriété depuis… et qu’elle sollicite l’autorisation de créer un second accès. Dans ces conditions, il résulte de ce qui précède que la requérante ne saurait utilement soutenir que le maire de la commune de Lagardelle-sur-Lèze aurait dû rechercher si un aménagement léger sur le domaine public aurait été de nature à permettre de faire droit à sa demande dans de bonnes conditions de sécurité. Le moyen tiré de l’erreur de droit doit donc être écarté.

7. En troisième lieu, pour refuser à Mme B. l’autorisation d’entreprendre des travaux d’aménagement pour établir un nouvel accès à la voie publique depuis sa propriété, le maire de la commune de Lagardelle-sur-Lèze a estimé que ce nouvel accès n’offrait pas de bonnes conditions de visibilité et comportait ainsi un risque pour la sécurité de la circulation sur la voie publique.

8. Il ressort des pièces du dossier que le nouvel accès à la voie publique sollicité par la requérante donne sur…, rue à double sens dans laquelle la vitesse de circulation est limitée à 30 km/h et qui est pourvue de deux ralentisseurs de type écluse situés à quelques mètres en amont et en aval de la propriété de la requérante.

Toutefois, même si la vitesse de circulation est ainsi réduite sur cette portion de voie, il ressort également des pièces du dossier que l’accès envisagé sur cette rue par Mme B. est bordé des deux côtés par des bâtiments et que dès lors, la visibilité à la sortie de l’accès est particulièrement restreinte. En outre, la configuration des lieux, et notamment du trottoir, très étroit à cet endroit, ne permet pas au véhicule de s’avancer pour bénéficier d’une meilleure visibilité sans gêner la circulation, alors qu’il n’est pas contesté que plus de mille automobilistes empruntent la rue quotidiennement. Dans ces conditions, en refusant la création du nouvel accès au motif que celui-ci est de nature à mettre en cause la sécurité de la circulation sur la voie publique, le maire de la commune de Lagardelle-sur-Lèze n’a pas entaché sa décision d’une erreur d’appréciation.

9. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi par les pièces du dossier. La circonstance que le maire de la commune de Lagardelle-sur-Lèze ait mentionné que l’autorisation d’un nouvel accès à la voie publique serait susceptible de créer « des problèmes avec certains riverains » n’est pas de nature à elle seule à établir l’existence d’un tel détournement de pouvoir. Le moyen doit par suite être écarté comme non fondé.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Lagardelle-sur-Lèze, que Mme B. n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision implicite du 4 avril 2021. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d’injonction.

Sur les frais liés au litige :

11. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme B. la somme de 1 500 € à verser à la commune de Lagardelle-sur-Lèze sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Décide :

Article 1er : La requête de Mme B. est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Lagardelle-sur-Lèze sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme C. B. et à la commune de Lagardelle-sur-Lèze.

Regardez aussi !

Réseau souterrain de télécommunication : au fait, à qui appartient les fourreaux et les infrastructures de réseaux de télécommunications ?

Arrêt rendu par Conseil d’Etat 18-03-2024 n° 470162 Texte intégral : Vu la procédure suivante …