Conseil d’État
N° 388902
Publié au recueil Lebon
Section
M. Cyrille Beaufils, rapporteur
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP PIWNICA, MOLINIE ; RICARD ; SCP GASCHIGNARD, avocats
lecture du vendredi 5 mai 2017
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
MM. B…et C…et l’association syndicale libre des Mazots du lotissement des Greniers ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler pour excès de pouvoir la délibération du 17 novembre 2011 par laquelle le conseil municipal de Saint-Bon-Tarentaise a approuvé la révision du plan d’occupation des sols de la commune et sa transformation en plan local d’urbanisme, ainsi que les décisions implicites de rejet des recours gracieux formés contre cette délibération. Par un jugement n° 1202555 du 22 avril 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette délibération et ces décisions.
Par un arrêt n° 14LY01961 du 27 janvier 2015, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par la commune de Saint-Bon-Tarentaise contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 23 mars, 19 juin et 20 octobre 2015 et les 24 mars et 14 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Saint-Bon-Tarentaise demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de MM. B…et C…et de l’association syndicale libre des Mazots du lotissement des Greniers la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,
– les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la commune de Saint-Bon-Tarentaise, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M.B…, à la SCP Gaschignard, avocat de M. C…et à Me Ricard, avocat de l’association syndicale libre des Mazots du lotissement des Greniers ;
1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 27 février 2002, le conseil municipal de Saint-Bon-Tarentaise a prescrit la révision du plan d’occupation des sols de la commune, s’est prononcé sur les objectifs de cette révision et a arrêté les modalités de la concertation devant la précéder ; que, par une délibération du 17 novembre 2011, le conseil municipal a approuvé la révision du plan d’occupation des sols et sa transformation en plan local d’urbanisme ; que, saisi par MM. B…et C…ainsi que par l’association syndicale libre des Mazots du lotissement des Greniers, le tribunal administratif de Grenoble, par un jugement du 24 avril 2014, a annulé cette dernière délibération au motif que la délibération du 27 février 2002 avait insuffisamment défini les objectifs poursuivis par la révision du document d’urbanisme ; que, par un arrêt du 27 janvier 2015, contre lequel la commune de Saint-Bon-Tarentaise se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté son appel contre ce jugement ;
2. Considérant que si le conseil municipal de Saint-Bon-Tarentaise a approuvé, par une délibération du 31 janvier 2017, un plan local d’urbanisme révisé, cette délibération n’a eu ni pour objet ni pour effet de retirer celle du 17 novembre 2011 ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient M.B…, le pourvoi n’est pas devenu sans objet ; qu’il y a lieu d’y statuer ;
3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 123-6 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable : » Le plan local d’urbanisme est élaboré à l’initiative et sous la responsabilité de la commune. La délibération qui prescrit l’élaboration du plan local d’urbanisme et précise les modalités de concertation, conformément à l’article L. 300-2, est notifiée au préfet (par ailleurs invocables à l’occasion d’un recours contre le plan local d’urbanisme approuvé) » ; que l’article L. 300-2 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération du 27 février 2002, dispose que : » I – Le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d’une concertation associant, pendant toute la durée de l’élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : / a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d’urbanisme / (…) » ; qu’il est précisé au cinquième alinéa du I du même article, applicable au présent litige, que : » Les documents d’urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d’entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées. Les autorisations d’occuper ou d’utiliser le sol ne sont pas illégales du seul fait des vices susceptibles d’entacher cette délibération ou les modalités de son exécution. » ;
4. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’adoption ou la révision du plan local d’urbanisme doit être précédée d’une concertation associant les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées ; que le conseil municipal doit, avant que ne soit engagée la concertation, délibérer, d’une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d’élaborer ou de réviser ce document d’urbanisme, et, d’autre part, sur les modalités de la concertation ; que, si cette délibération est susceptible de recours devant le juge de l’excès de pouvoir, son illégalité ne peut, en revanche, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme ; qu’ainsi que le prévoit l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme précité, les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des modalités définies par la délibération prescrivant la révision du document d’urbanisme demeurent par ailleurs invocables à l’occasion d’un recours contre le plan local d’urbanisme approuvé;
5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en se fondant, pour confirmer l’annulation de la délibération du 17 novembre 2011 approuvant la révision du plan local d’urbanisme de la commune de Saint-Bon-Tarentaise, sur le moyen tiré de ce que la délibération du 27 février 2002 par laquelle a été engagée cette procédure n’avait pas défini de façon suffisamment précise les objectifs de la concertation, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, compte tenu de l’incidence de cette erreur de droit sur le dispositif de l’arrêt attaqué, la commune de Saint-Bon-Tarentaise est fondée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, à demander son annulation dans son entier ;
6. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Saint-Bon-Tarentaise qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Saint-Bon-Tarentaise au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt du 27 janvier 2015 de la cour administrative d’appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Lyon.
Article 3 : Les conclusions de l’association syndicale libre des Mazots du lotissement des Greniers, de MM. C…et B…et de la commune de Saint-Bon-Tarentaise présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Bon-Tarentaise, à l’association syndicale libre des Mazots du lotissement des Greniers, à M. A…C…et à M. D… B.par ailleurs invocables à l’occasion d’un recours contre le plan local d’urbanisme approuvé