Jugement rendu par Tribunal administratif de Marseille
06-02-2023
n° 1905300
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 juin et 3 juillet 2019, le 3 novembre 2020, le 1er avril 2022 et le 10 janvier 2023, la SAS Locafimo, représentée par Me Martin-Imperatori, demande au tribunal d’annuler l’arrêté n° DP 13 001 19J0260 en date du 18 avril 2019, par lequel la maire de la commune d’Aix-en-Provence ne s’est pas opposée à la déclaration préalable présentée par la société Cellnex France relative à l’installation d’une station relais composée d’un pylône de 16 m, d’une dalle technique et d’une clôture sur une parcelle cadastrée section KB n° 16 située Parc du Golf, lieu-dit Riquetti, 770 rue Jean-René Guillibert Gautier de la Lauzière.
Elle soutient que :
le signataire de l’arrêté du 18 avril 2019 n’est pas compétent ;
l’arrêté litigieux méconnait l’article R. 424-5 du code de l’urbanisme en ne précisant pas la date de dépôt de la demande en mairie ;
il méconnait l’article A. 424-2 du code de l’urbanisme en l’absence de mention du sens de l’avis de la direction régionale de l’aviation civile ;
le dossier de demande est insuffisant, tant s’agissant du plan de masse et du plan de coupe que s’agissant de l’absence d’attestation certifiant que le projet prend en compte les mesures prescrites dans le plan de prévention des risques prévue par les dispositions de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ;
la demande devait être précédée d’une autorisation de défrichement ;
le projet méconnait les dispositions des articles UE 3, UE 4, UE 5 et UE 11 du règlement du plan local d’urbanisme.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 septembre 2020 et 18 mai 2022, la commune d’Aix-en-Provence, représentée par Me Andreani, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Locafimo de la somme de 2 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que la requête n’est pas recevable et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 février, 22 avril et 17 mai 2022, la société Cellnex France, représentée par Me Hamri, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 5 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que la requête est irrecevable et que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention enregistré le 21 février 2022, et en s’associant aux mémoires en défense de la société Cellnex des 22 avril et 17 mai 2022, la société Bouygues Telecom soutient qu’elle a intérêt à intervenir et conclut au rejet de la requête.
Par une ordonnance du 9 août 2022, a été prononcée, en application des articles R. 611-11-1 et R.613-1 du code de justice administrative, la clôture immédiate de l’instruction.
L’instruction a été rouverte par la communication, le 12 janvier 2023, de la procédure au nouveau mandataire de la société Cellnex.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Rousselle ;
– les conclusions de M. Argoud, rapporteur public ;
– et les observations de Me Pineau, pour la SAS Locafimo et de Me Tosi, pour la commune d’Aix-en-Provence.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté n° DP 13 001 19J0260 en date du 18 avril 2019, la maire de la commune d’Aix-en-Provence ne s’est pas opposée à la déclaration préalable présentée par la société Cellnex France relative à l’installation d’une station relais composée d’un pylône de 16 m, d’une dalle technique et d’une clôture sur une parcelle cadastrée section KB n° 16 située Parc du Golf, lieu-dit Riquetti, 770 rue Jean-René Guillibert Gautier de la Lauzière. La société SAS Locafimo demande l’annulation de cet arrêté.
Sur l’intervention :
2. La société Bouygues Telecom a mandaté, par un acte du 12 juin 2019, la société Cellnex pour constituer et déposer les dossiers de demandes d’autorisations administratives requises pour la construction ou l’aménagement de sites de communication électronique et en cas de refus le contester par voie gracieuse et contentieuse. La société Bouygues Telecom a intérêt au maintien de la décision attaquée. Ainsi, son intervention est recevable.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt pour agir de la SAS Locafimo :
3. Aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme : « Une personne autre que l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation ».
4. Il résulte de ces dispositions qu’il appartient en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, ou d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable de travaux, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.
5. En dehors du cas où les caractéristiques particulières de la construction envisagée sont de nature à affecter par elles-mêmes les conditions d’exploitation d’un établissement commercial, ce dernier ne justifie pas d’un intérêt à contester devant le juge de l’excès de pouvoir un permis de construire, même situé à proximité.
6. En l’espèce, en se bornant à se prévaloir de sa qualité de propriétaire foncier de quatre parcelles limitrophes de la parcelle support du projet, ainsi que du fait qu’elle a dû consentir une servitude de passage pour une canalisation de fibre optique desservant l’antenne projetée, la société requérante, dont l’objet social est la location de locaux à usage tertiaire, ne fait état d’aucune plainte ou défection d’un de ses locataires, ni d’une éventuelle difficulté pour trouver de nouveaux occupants. Si elle invoque la qualité environnementale paysagère de ses locaux, qui serait altérée par l’édification de l’antenne projetée, il est constant que ses bureaux sont installés en limite de zone tertiaire, en bordure d’une route et à proximité d’une zone de parking, dans un environnement qui ne présente aucun intérêt particulier. S’agissant de la servitude de passage qu’elle a dû consentir, elle n’établit ni n’allègue, qu’elle constituerait un éventuel obstacle ou inconvénient à la jouissance de sa propriété. Enfin, la société requérante ne peut sérieusement soutenir que l’implantation d’une antenne relais à proximité de ses propriétés va générer un flux de circulation supplémentaire tel que son exploitation commerciale en sera affectée.
7. Il résulte de ce qui précède que la requérante ne précise pas, de manière suffisamment précise et étayée, les éléments permettant d’établir que le projet est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien et, par suite, ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir dans la présente instance. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense doit être accueillie.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu de mettre à la charge de la requérante une somme de 750 € à verser à la commune d’Aix-en-Provence et une somme de 750 € à verser à la société Cellnex en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la commune, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance.
Décide :
Article 1er : L’intervention de la société Bouygues Telecom est admise.
Article 2 : Les conclusions de la requête de la société SAS Locafimo sont rejetées.
Article 3 : La société SAS Locafimo versera à la commune d’Aix-en-Provence une somme de 750 € en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 750 € à la société Cellnex France en application des mêmes dispositions.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société SAS Locafimo, à la société Bouygues Telecom, à la société Cellnex France et à la commune d’Aix-en-Provence.