Vu la procédure suivante :
Par un déféré enregistré le 24 juin 2022 et un mémoire complémentaire enregistré le 21 octobre 2022, le préfet de la Seine-Maritime demande au tribunal :
1°) d’annuler la délibération du 3 février 2022 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bois-Guillaume a approuvé la « Charte de l’urbanisme et du cadre de vie » ;
2°) d’annuler la « Charte de l’urbanisme et du cadre de vie » de Bois-Guillaume.
Il soutient que :
la délibération contestée méconnaît les dispositions de l’article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales, dès lors que la commune ne dispose plus de la compétence pour fixer des règles d’urbanisme ;
elle est illégale, dès lors qu’elle a pour objet de créer une nouvelle norme s’imposant aux demandes d’autorisation d’urbanisme présentées par des opérateurs immobiliers, alors que seules les dispositions normatives prévues et encadrées par la loi peuvent réglementer l’instruction des autorisations d’urbanisme ; la charte contient de nombreux dispositifs illégaux au regard du code de l’urbanisme et de la jurisprudence.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 octobre 2022, la commune de Bois-Guillaume, représentée par Me Malbesin, conclut au rejet du déféré.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Thielleux,
– les conclusions de M. Cotraud, rapporteur public,
– et les observations M. Lecoq, représentant le préfet de la Seine-Maritime.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 3 février 2022, le conseil municipal de la commune de Bois-Guillaume, commune membre de la métropole Rouen Normandie, a approuvé la « Charte de l’urbanisme et du cadre de vie » de la commune. Par un courrier du 2 mai 2022, le maire de la commune a rejeté le recours gracieux formé le 6 avril 2022 par le préfet de la Seine-Maritime à l’encontre de cette délibération. Par le présent déféré, le préfet de la Seine-Maritime demande l’annulation de la délibération du 3 février 2022.
2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales : « I. – La métropole exerce de plein droit, en lieu et place des communes membres, les compétences suivantes : / […] 2° En matière d’aménagement de l’espace métropolitain : / a) Schéma de cohérence territoriale et schéma de secteur ; plan local d’urbanisme, document en tenant lieu ou carte communale ; définition, création et réalisation d’opérations d’aménagement d’intérêt métropolitain mentionnées à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme ; actions de valorisation du patrimoine naturel et paysager ; constitution de réserves foncières ; […] ».
3. Il ressort des termes mêmes de la délibération attaquée que par la charte en litige, le conseil municipal de la commune de Bois-Guillaume a entendu « fixer les règles du jeu en matière de construction, d’aménagement et d’urbanisme » et estimé « nécessaire d’établir un référentiel commun qui dépasse le seul cadre réglementaire du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), par une approche plus qualitative et circonstanciée ». A cet égard, la charte fixe des « engagements » qui « devront […] être scrupuleusement appréhendés dans chaque opération » par les opérateurs immobiliers signataires de ce document. La délibération précise que « cette charte, après avoir été approuvée en conseil municipal, sera signée par l’ensemble des opérateurs immobiliers ».
4. Au vu de ses termes, et notamment de la nature des « engagements » qu’elle prévoit, la « Charte de l’urbanisme et du cadre de vie » de Bois-Guillaume doit être regardée comme imposant aux opérateurs immobiliers concernés des règles impératives en matière « d’aménagement de l’espace métropolitain », au sens des dispositions précitées de l’article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales, relevant, par leur nature, du plan local d’urbanisme. Par suite, la commune de Bois-Guillaume n’était pas compétente pour adopter de telles prescriptions en matière d’urbanisme, alors qu’il est constant que ce champ de compétences est dévolu à la métropole Rouen Normandie, dont est membre la commune de Bois-Guillaume.
5. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 423-1 du code de l’urbanisme : « Les demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont présentées et instruites dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d’Etat. / Le dossier joint à ces demandes et déclarations ne peut comprendre que les pièces nécessaires à la vérification du respect du droit de l’Union européenne, des règles relatives à l’utilisation des sols et à l’implantation, à la destination, à la nature, à l’architecture, aux dimensions et à l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords ainsi que des dispositions relatives à la salubrité ou à la sécurité publique ou relevant d’une autre législation dans les cas prévus au chapitre V du présent titre. […] / Aucune prolongation du délai d’instruction n’est possible en dehors des cas et conditions prévus par ce décret. […] ». L’article R. 431-4 du code de l’urbanisme précise que : « La demande de permis de construire comprend : / a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; / b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. * 431-33-1 ; / c) Les informations prévues aux articles R. 431-34 et R. 431-34-1. / Pour l’application des articles R. 423-19 à R. 423-22, le dossier est réputé complet lorsqu’il comprend les informations mentionnées au a et au b ci-dessus. / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l’autorité compétente. ».
6. Il résulte de ces dispositions que les demandes relatives à l’utilisation des sols et à l’implantation des constructions ne peuvent être instruites que dans les conditions fixées par les dispositions législatives et réglementaires du code de l’urbanisme, qui définissent de manière limitative les informations ou pièces pouvant être exigées par l’autorité compétente.
7. Au vu de ses termes, et notamment de la nature de certains des « engagements » qu’elle prévoit, la « Charte de l’urbanisme et du cadre de vie » de Bois-Guillaume doit être regardée comme imposant aux opérateurs immobiliers concernés des règles impératives relatives à la conception et à la réalisation de projets de construction, relevant, par leur nature, de la loi ou du règlement. Par suite, la commune de Bois-Guillaume n’était pas compétente pour imposer de telles prescriptions en matière d’urbanisme.
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à demander l’annulation de la délibération du 3 février 2022 du conseil municipal de la commune de Bois-Guillaume relative à l’approbation de sa « Charte de l’urbanisme et du cadre de vie », charte regroupant un ensemble cohérent d’engagements indissociables et indivisibles.
Décide :
Article 1er : La délibération du 3 février 2022 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bois-Guillaume a approuvé sa « Charte de l’urbanisme et du cadre de vie » est annulée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié au préfet de la Seine-Maritime et à la commune de Bois-Guillaume.