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Construction et insertion paysagère : qu’est-ce qu’une création architecturale, un projet innovant… dans l’appréciation de l’insertion ?

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
13-01-2023
n° 450446
Texte intégral :
Vu les procédures suivantes :

L’association de préservation du quartier de la rue Erlanger, M. D. G., M. U. G., M. K. F., Mme F., Mme J. S., Mme B. C., Mme R. T., M. A. I., Mme E. Q., Mme L. M., M. N. H., et Mme P. O. ont demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler pour excès de pouvoir les arrêtés des 17 octobre et 14 décembre 2018 par lesquels la maire de Paris a accordé à l’office public de l’habitat Paris Habitat un permis de démolir et un permis de construire. Par un jugement n° 1909402, 1911872, 1914639 du 7 janvier 2021, le tribunal administratif a annulé l’arrêté du 14 décembre 2018 et rejeté le surplus des conclusions des demandes.

1° Sous le n° 450446, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 8 mars et 8 juin 2021 et les 7 janvier et 15 février 2022, l’office public de l’habitat Paris Habitat demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement en tant qu’il annule l’arrêté du 14 décembre 2018 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter les demandes des requérants de première instance ou, subsidiairement, de surseoir à statuer sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ;

3°) de mettre à la charge des requérants de première instance la somme de 5 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 450474, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 mars et 9 juin 2021, la Ville de Paris demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Paris en tant qu’il annule l’arrêté du 14 décembre 2018 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter les demandes des requérants de première instance ;

3°) de mettre à la charge des requérants de première instance la somme de 4 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

– le code de la construction et de l’habitation ;

– le code de l’urbanisme ;

– le code général des collectivités territoriales ;

– le décret n° 95-260 du 8 mars 1995 ;

– le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Joachim Bendavid, auditeur,

– les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de l’office public de l’habitat Paris Habitat, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Ville de Paris et à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de l’association de préservation du quartier de la rue Erlanger et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois de la Ville de Paris et de l’office public de l’habitat Paris Habitat sont dirigés contre le même jugement du 7 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, sur la demande de l’association de préservation du quartier de la rue Erlanger et autres, l’arrêté du 14 décembre 2018 de la maire de Paris accordant à l’office public de l’habitat Paris Habitat un permis de construire pour la réalisation d’un ensemble immobilier à l’angle de la rue Erlanger et du boulevard Exelmans dans le seizième arrondissement de Paris. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur l’intervention du maire du XVIe arrondissement de Paris :

2. Le maire du seizième arrondissement de Paris ne justifie pas d’un intérêt suffisant au maintien du jugement attaqué. Son intervention est, par suite, irrecevable.

Sur les pourvois :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l’article R. 711-3 du code de justice administrative : « Si le jugement de l’affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l’audience, le sens de ces conclusions sur l’affaire qui les concerne ».

4. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions citées au point précédent, a pour objet de mettre les parties en mesure d’apprécier l’opportunité d’assister à l’audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu’elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l’appui de leur argumentation écrite et d’envisager, si elles l’estiment utile, la production, après la séance publique, d’une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l’audience, l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d’adopter, à l’exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s’impose à peine d’irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

5. Par ailleurs, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l’appréciation qu’il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu’appelle, selon lui, le litige, et notamment d’indiquer, lorsqu’il propose le rejet de la requête, s’il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et de mentionner, lorsqu’il conclut à l’annulation d’une décision, les moyens qu’il propose d’accueillir. La communication de ces informations n’est toutefois pas prescrite à peine d’irrégularité de la décision.

6. Dans le cas mentionné au point 4 comme dans celui indiqué au point 5, le rapporteur public qui, après avoir communiqué le sens de ses conclusions, envisage de modifier sa position doit, à peine d’irrégularité de la décision, mettre les parties à même de connaître ce changement.

7. Il ressort des pièces du dossier qu’après avoir communiqué aux parties, au moyen de l’application « Sagace », les éléments du dispositif de la décision qu’il comptait proposer à la formation de jugement d’adopter, le rapporteur public devant le tribunal administratif de Paris a ajouté le 16 décembre 2020, en vue d’une audience devant se tenir le 17 décembre 2020, l’indication des moyens qu’il proposait d’accueillir. Toutefois, dès lors que ces considérations supplémentaires n’ont ni contredit, ni modifié le sens des conclusions qui avait été communiqué aux parties dans les conditions prévues par l’article R. 711-3 du code de justice administrative, la circonstance que la Ville de Paris n’aurait pas été mise à même de les connaître dans un délai raisonnable avant l’audience est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

8. En second lieu, d’une part, aux termes de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme : « Sans préjudice de la mise en oeuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ».

9. D’autre part, aux termes aux termes de l’article L. 5 du code de justice administrative :  » L’instruction des affaires est contradictoire. […] ». Aux termes du premier alinéa de l’article R. 613-2 du même code : « Si le président de la formation de jugement n’a pas pris une ordonnance de clôture, l’instruction est close trois jours francs avant la date de l’audience indiquée dans l’avis d’audience prévu à l’article R. 711-2. […] ». Enfin, aux termes du premier alinéa de l’article R. 613-4 de ce code : « Le président de la formation de jugement peut rouvrir l’instruction par une décision qui n’est pas motivée et ne peut faire l’objet d’aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l’ordonnance de clôture ».

10. Lorsque, pour les besoins de l’instruction, il invite les parties à produire des observations, le juge administratif doit leur laisser un délai suffisant à cette fin, en tenant compte de l’objet des observations demandées. Lorsque l’affaire est déjà inscrite au rôle d’une audience, il lui incombe, si le respect de cette obligation l’exige, soit de rayer l’affaire du rôle, soit de différer la clôture de l’instruction prévue de plein droit, en application de l’article R. 613-2 du code de justice administrative, trois jours francs avant la date de l’audience, en indiquant aux parties quand l’instruction sera close, cette clôture pouvant être reportée au plus tard à la date de l’audience, soit après que les parties ou leurs mandataires ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après l’appel de leur affaire.

11. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif que celui-ci a invité les parties, le jeudi 10 décembre 2020, à faire part de leurs observations en application des dispositions, citées ci-dessus, de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme sur la possibilité de régulariser plusieurs vices affectant la légalité du permis de construire litigieux, et que la clôture de l’instruction est intervenue de plein droit le dimanche 13 décembre 2020 à minuit, l’audience étant prévue le 17 décembre suivant. Eu égard à l’objet des observations demandées, l’office public de l’habitat Paris Habitat n’est pas fondé à soutenir qu’en lui laissant un délai de trois jours, dont un jour ouvré, pour produire ses observations sur cette possibilité de régularisation, le tribunal administratif, qui n’a pas méconnu les dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme en ne motivant pas son refus de faire droit à la demande de sursis à statuer formée devant lui par l’office dans ses observations produites le 16 décembre 2020, soit après la clôture de l’instruction, aurait statué au terme d’une procédure irrégulière.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

12. Aux termes de l’article L. 600-4-1 du code de justice administrative : « Lorsqu’elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d’urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l’ensemble des moyens de la requête qu’elle estime susceptibles de fonder l’annulation ou la suspension, en l’état du dossier ».

13. Saisi d’un pourvoi dirigé contre une décision juridictionnelle reposant sur plusieurs motifs dont l’un est erroné, le juge de cassation, à qui il n’appartient pas de rechercher si la juridiction aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les autres motifs, doit, hormis le cas où ce motif erroné présenterait un caractère surabondant, accueillir le pourvoi. Il en va cependant autrement lorsque la décision juridictionnelle attaquée prononce l’annulation pour excès de pouvoir d’un acte administratif, dans la mesure où l’un quelconque des moyens retenus par le juge du fond peut suffire alors à justifier son dispositif d’annulation. En pareille hypothèse, et sous réserve du cas où la décision qui lui est déférée aurait été rendue dans des conditions irrégulières, il appartient au juge de cassation, si l’un des moyens reconnus comme fondés par cette décision en justifie légalement le dispositif, sauf à ce que le vice qui affecte l’acte soit susceptible de faire l’objet d’une mesure de régularisation, en particulier en application des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, de rejeter le pourvoi. Toutefois, en raison de l’autorité de chose jugée qui s’attache aux motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle déférée, le juge de cassation ne saurait, sauf à méconnaître son office, prononcer ce rejet sans avoir, au préalable, censuré celui ou ceux de ces motifs qui étaient erronés. Eu égard à l’objet des dispositions précitées de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, cette règle trouve en particulier à s’appliquer lorsque la pluralité des motifs du juge du fond découle de l’obligation qui lui est faite de se prononcer sur l’ensemble des moyens susceptibles de fonder l’annulation.

14. Pour annuler l’arrêté litigieux, le tribunal administratif, après avoir admis l’intérêt à agir des requérants, a retenu trois motifs d’illégalité, tirés de l’absence d’accord préalable de l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation de création d’établissement recevant du public et de la méconnaissance des dispositions des articles UG 11 et UG 13.3 du plan local d’urbanisme de la Ville de Paris.

15. D’une part, les dispositions de l’article UG 11 du règlement du plan local d’urbanisme de la Ville de Paris fixent, de façon développée et nuancée, les règles relatives à l’aspect extérieur des constructions, aux aménagements de leurs abords, à la protection des immeubles et des éléments de paysage, applicables à la zone UG qui comprend l’essentiel du territoire construit de la ville. Si les dispositions du début du point UG 11.1.3 sur les constructions nouvelles énoncent que ces constructions doivent s’intégrer au tissu urbain existant, en prenant en compte les particularités des quartiers, celles des façades existantes et des couvertures, ces dispositions ne peuvent être isolées des autres dispositions de l’article UG 11, en particulier de celles du point UG 11.1, qui précisent que peuvent être autorisées des constructions nouvelles permettant d’exprimer une création architecturale et qui n’imposent pas que soit refusée une autorisation de nature à porter atteinte au caractère des lieux avoisinants, et celles du même point UG 11.1.3 qui précisent que l’objectif d’intégration dans le tissu urbain existant ne doit pas conduire à un mimétisme architectural ou faire obstacle à des projets d’architecture contemporaine. Dans cet esprit, les dispositions du point UG 11.1.3 permettent expressément de ne pas reprendre, pour des constructions nouvelles contemporaines, les registres des bâtiments sur rue, entendus comme le soubassement, la façade et le couronnement, tels qu’ils sont habituellement observés pour les bâtiments parisiens. De même, les dispositions du paragraphe 4 du point UG 11.1.3 relatives aux matériaux n’interdisent pas l’emploi de matériaux, ou de teintes, différents de la pierre calcaire ou du plâtre, et admet le recours à des matériaux innovants en matière d’aspect des constructions.

16. D’autre part, eu égard à la teneur des dispositions de l’article UG 11 du règlement, en particulier celles du point UG 11.1.3, il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi d’un moyen en ce sens, d’apprécier si l’autorité administrative a pu légalement autoriser la construction projetée, compte tenu de ses caractéristiques et de celles des lieux avoisinants, sans méconnaître les exigences résultant de cet article. Dans l’exercice de ce contrôle, le juge doit tenir compte de l’ensemble des dispositions de cet article et de la marge d’appréciation qu’elles laissent à l’autorité administrative pour accorder ou refuser de délivrer une autorisation d’urbanisme. A cet égard, il résulte en particulier des dispositions précédemment citées de l’article UG 11 qu’elles permettent à l’autorité administrative de délivrer une autorisation de construire pour édifier une construction nouvelle présentant une composition différente de celle des bâtiments voisins et recourant à des matériaux et teintes innovants, dès lors qu’elle peut s’insérer dans le tissu urbain existant.

17. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour estimer que le projet litigieux ne satisfaisait pas aux exigences d’insertion dans le tissu urbain existant, le tribunal administratif a notamment relevé que, si son environnement n’était pas caractérisé par une unité des registres architecturaux ou une régularité des volumes, les constructions imposantes en béton projetées, qui entraîneraient la densification massive d’une parcelle offrant jusqu’alors un espace de respiration et de verdure dans le quartier, n’exprimaient aucune création architecturale, n’avaient, malgré la végétalisation des toitures, pas de caractère innovant et ne s’intégraient pas de manière harmonieuse aux lieux avoisinants, constitués en majorité d’immeubles en pierre ou recouverts d’un parement de pierre dont la surface construite est inférieure à la moitié de celle du terrain. En statuant ainsi, le tribunal administratif, qui, contrairement à ce qui est soutenu, n’était tenu ni de regarder tout projet de construction nouvelle comme exprimant, pour ce seul motif, une création architecturale, ni de regarder toute innovation comme caractérisant, par elle-même, un projet innovant, n’a pas commis d’erreur de droit et a, sans se fonder sur des motifs inopérants ni refuser de tenir compte de la marge d’appréciation que les dispositions de l’article UG 11 du règlement du plan local d’urbanisme de la Ville de Paris laissent à l’autorité administrative, porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation.

18. Ce motif d’illégalité de l’arrêté litigieux, qui n’apparaît pas susceptible de faire l’objet d’une mesure de régularisation en application des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, suffit à justifier légalement le dispositif du jugement du tribunal administratif de Paris. Par suite, la Ville de Paris et l’office public de l’habitat Paris Habitat ne sont pas fondés à demander l’annulation de ce jugement.

19. Toutefois, ainsi qu’il a été dit plus haut, le juge de cassation ne saurait prononcer le rejet du pourvoi sans avoir, au préalable, censuré celui ou ceux de ces motifs retenus par les juges du fond qui seraient erronés.

20. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation, alors applicable : « Les travaux qui conduisent à la création, l’aménagement ou la modification d’un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu’après autorisation délivrée par l’autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2 » et, aux termes de l’article L. 425-3 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable : « Lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l’autorisation prévue par l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation dès lors que la décision a fait l’objet d’un accord de l’autorité administrative compétente qui peut imposer des prescriptions relatives à l’exploitation des bâtiments en application de l’article L. 123-2 du code de la construction et de l’habitation. Le permis de construire mentionne ces prescriptions. Toutefois, lorsque l’aménagement intérieur d’un établissement recevant du public ou d’une partie de celui-ci n’est pas connu lors du dépôt d’une demande de permis de construire, le permis de construire indique qu’une autorisation complémentaire au titre de l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation devra être demandée et obtenue en ce qui concerne l’aménagement intérieur du bâtiment ou de la partie de bâtiment concernée avant son ouverture au public ».

21. Il résulte de ces dispositions que lorsque, comme en l’espèce, l’aménagement intérieur de locaux constitutifs d’un établissement recevant du public, qui nécessite une autorisation spécifique au titre de l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation, n’est pas connu lors du dépôt de la demande de permis de construire, l’autorité compétente, dont la décision ne saurait tenir lieu sur ce point de l’autorisation prévue par le code de la construction et de l’habitation, ne peut légalement délivrer le permis sans mentionner expressément l’obligation de demander et d’obtenir une autorisation complémentaire avant l’ouverture au public, et ce, alors même que le contenu du dossier de demande de permis de construire témoignerait de la connaissance, par le pétitionnaire, de cette obligation.

22. En premier lieu, en se fondant, pour juger que le permis de construire litigieux avait été délivré en méconnaissance des dispositions citées au point 20, sur la circonstance que, si l’arrêté de la maire de Paris du 14 décembre 2018 mentionnait expressément l’obligation de demander et d’obtenir une autorisation complémentaire au titre de l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation en ce qui concerne l’aménagement intérieur des établissements recevant du public concernés avant leur ouverture au public, l’autorisation préalable de création de ces établissements n’avait, en revanche, pas été obtenue, alors qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que le permis de construire litigieux ne tenait lieu, dans ces conditions, ni d’autorisation d’aménagement ni d’autorisation de création au titre de la réglementation des établissements recevant du public et que sa légalité n’était dès lors pas subordonnée à la délivrance d’une telle autorisation de création, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

23. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l’article L. 2512-17 du code général des collectivités territoriales : « Le préfet de police est chargé du secours et de la défense contre l’incendie ». Aux termes du premier alinéa de l’article 72 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et départements : « Dans le département de Paris, le préfet de police a la charge de l’ordre public et, dans la limite des matières relevant de ses attributions, de la sécurité des populations ». Aux termes de l’article 2 du décret du 8 mars 1995 relatif à la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité : « La commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité est l’organisme compétent, à l’échelon du département, pour donner des avis à l’autorité investie du pouvoir de police. / […] / La commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité exerce sa mission dans les domaines suivants et dans les conditions où sa consultation est imposée par les lois et règlements en vigueur, à savoir : / 1. La sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur […]. / 2. L’accessibilité aux personnes handicapées […] ».

24. En jugeant que l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation prévue par l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation se trouvait « au sein de la Ville de Paris », alors qu’il résulte des dispositions combinées citées au point précédent que l’autorité compétente est, à Paris, le préfet de police, le tribunal administratif a commis une autre erreur de droit.

25. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’association pour la préservation du quartier de la rue Erlanger et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la Ville de Paris et de l’office public de l’habitat Paris Habitat la somme de 3 000 € à verser à ce titre à l’association pour la préservation du quartier de la rue Erlanger et autres.

Décide :

Article 1er : L’intervention du maire du seizième arrondissement de Paris n’est pas admise.

Article 2 : Les pourvois de la Ville de Paris et de l’office public de l’habitat Paris Habitat sont rejetés.

Article 3 : La Ville de Paris et l’office public de l’habitat Paris Habitat verseront la somme de 3 000 € à l’association pour la préservation du quartier de la rue Erlanger et autres.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Ville de Paris, à l’office public de l’habitat Paris Habitat, à l’association pour la préservation du quartier de la rue Erlanger, première dénommée, pour l’ensemble des défendeurs et au maire du seizième arrondissement de Paris.

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