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Art. R600-1 CU et Notification : il faut notifier le recours contre une décision de refus de retirer un arrêté de permis de construire !

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
27-09-2022
n° 456071
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

M. et Mme C. B., M. G. D., M. E. F., M. H. A., la SCI Sernin et l’association « défense du quartier Montplaisir » ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 août 2019 par laquelle le maire de la commune de Toulouse a refusé de retirer l’arrêté du 27 juillet 2016 par lequel il a accordé à la société Sogeprom Sud Réalisation le permis de construire vingt logements et l’arrêté du 17 avril 2018 par lequel il a délivré à cette même société un permis de construire modificatif pour le même projet immobilier.

Par un jugement n° 1905748 du 5 mars 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Par une ordonnance n° 21BX01834 du 27 août 2021, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le même jour, la présidente de la Cour administrative d’appel de Bordeaux a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par M. G. D., M. et Mme C. B., M. E. F., M. H. A. et la SCI Sernin.

Par un pourvoi, enregistré au greffe de la cour administrative d’appel de Bordeaux le 5 mai 2021 et deux mémoires enregistrés les 23 septembre et 23 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. G. D. et autres demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) réglant l’affaire au fond, d’annuler la décision du maire de Toulouse du 2 août 2019 de refuser de retirer les permis de construire et permis de construire modificatif accordés à la société Sogeprom Sud Réalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse la somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code de l’urbanisme ;

– le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 ;

– le décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 ;

– le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. D., à la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Sogeprom Sud Réalisations et à la SCP Foussard-Froger, avocat de la commune de Toulouse ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de Toulouse a accordé, le 27 juillet 2016, à la société Sogeprom Sud Réalisation un permis de construire valant permis de démolir pour la réalisation de vingt logements répartis en deux bâtiments puis, le 16 avril 2018, un permis de construire modificatif pour la réalisation du même projet immobilier. M. D. et autres demandent l’annulation du jugement du 5 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la décision du maire de Toulouse rejetant leur demande de retrait de ces permis.

Sur la compétence du Conseil d’Etat :

2. Il résulte des dispositions de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative, dans leur version applicable au litige, applicables à la commune de Toulouse en vertu du décret du 10 mai 2013 relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts, que les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours dirigés contre « les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application ».

3. Ces dispositions, qui ont pour objectif, dans les zones où la tension entre l’offre et la demande de logements est particulièrement vive, de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d’opérations de construction de logements ayant bénéficié d’un droit à construire, doivent être regardées comme concernant non seulement les recours dirigés contre des autorisations de construire, de démolir ou d’aménager, mais également, lorsque ces autorisations ont été accordées puis retirées, les recours dirigés contre ces retraits. Il en va de même des recours dirigés contre les refus de retraits.

4. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué a été rendu en premier et dernier ressort. Dès lors, M. D. et autres ne sont pas fondés à soutenir que leur requête tendant à l’annulation de ce jugement, qui a le caractère d’un pourvoi en cassation, ne relèverait pas de la compétence du Conseil d’Etat.

Sur le pourvoi :

5. Aux termes de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, dans sa version résultant du décret du 17 juillet 2018 portant modification du code de justice administrative et du code de l’urbanisme : « En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, ou d’une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un certificat d’urbanisme, ou une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code. L’auteur d’un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. »

6. La décision refusant de retirer un permis de construire constitue, pour l’application des dispositions reproduites au point 5, une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le code de l’urbanisme. Dès lors, il appartient à l’auteur d’un recours contentieux dirigé contre une telle décision d’adresser au greffe de la juridiction où le recours contentieux a été enregistré la preuve de la notification de ce recours à l’auteur de la décision contestée et au titulaire de l’autorisation.

7. Il appartient au juge, au besoin d’office, de rejeter le recours comme irrecevable, lorsque son auteur, après y avoir été invité par lui, n’a pas justifié de l’accomplissement des formalités requises par les dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme.

8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, qui ne comportent ni preuve de la notification par les requérants de leur recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation, ni invitation que le tribunal administratif de Toulouse leur aurait adressée de produire celle-ci, que le tribunal ne s’est pas assuré du respect de la formalité prévue à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme. Dès lors, ce tribunal a statué irrégulièrement. Il y a lieu, pour ce motif, dont les parties ont été informées qu’il était susceptible d’être relevé d’office, d’annuler le jugement attaqué.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

10. Il ne ressort pas des pièces produites devant le Conseil d’Etat que M. D. et autres, qui ont accusé réception du mémoire de la société Sogeprom Sud Réalisation soulevant, en cas de règlement de l’affaire au fond, une fin de non-recevoir tirée du défaut d’accomplissement des formalités exigées par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme devant le tribunal administratif de Toulouse, auraient accompli ces formalités en notifiant leur recours à l’auteur et au titulaire des permis de construire attaqués. Dès lors, le recours présenté devant le tribunal administratif de Toulouse ne peut qu’être rejeté comme irrecevable.

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Toulouse, qui n’est pas la partie perdante, verse à M. D. et autres la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

12. Il y a lieu de mettre à la charge de M. D. et autres, sur le fondement des mêmes dispositions, les sommes de 1 500 € à verser à la société Sogeprom Sud Réalisation et 1 500 € à verser à la commune de Toulouse.

Décide :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 mars 2021 est annulé.

Article 2 : La demande de M. D. et autres devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. D. et autres est rejeté.

Article 4 : M. D. et autres verseront solidairement les sommes de 1 500 € à la société Sogeprom Sud Réalisation et 1 500 € à la commune de Toulouse au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. G. D., premier dénommé, pour l’ensemble des requérants, à la société Sogeprom Sud Réalisation et à la commune de Toulouse.

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