Conseil d’État, 2ème – 7ème chambres réunies, 30/07/2021, 437709
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. D… C… et M. A… B… ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la délibération du 27 septembre 2016 par laquelle le conseil municipal des Avenières Veyrins-Thuellin a approuvé le plan local d’urbanisme de la commune déléguée des Avenières, ainsi que la décision du 10 février 2017 rejetant leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1701343 du 26 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 18LY03612 du 19 novembre 2019, la cour administrative d’appel de Lyon a annulé la délibération du conseil municipal des Avenières Veyrins-Thuellin du 27 septembre 2017 approuvant le plan local d’urbanisme de la commune déléguée des Avenières en tant que les articles Ud 1 et Ud 2 du règlement du plan local d’urbanisme interdisent la plupart des constructions nouvelles, et a réformé le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 juillet 2018 en ce qu’il avait de contraire à son arrêt.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 janvier et 19 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune des Avenières Veyrins-Thuellin demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de M. C… et M. B… la somme de 3 600 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– Le rapport de Mme F… E…, conseillère d’Etat,
– Les conclusions de M. D… Ranquet, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de la commune d’Avenières Veyrins-Thuellin, et à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. C… et de M. B… ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 juillet 2021, présentée par M. C… et M. B… ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 19 juin 2008, le conseil municipal des Avenières a prescrit la révision du plan d’occupation des sols de la commune et l’élaboration d’un plan local d’urbanisme et que, par une délibération du 27 septembre 2016, le conseil municipal des Avenières Veyrins-Thuellin a approuvé le plan local d’urbanisme de la commune déléguée des Avenières. Par un jugement du 26 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. C… et M. B… tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de cette délibération. Par un arrêt du 19 novembre 2019, contre lequel la commune des Avenières Veyrins-Thuellin se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Lyon a partiellement fait droit à leur appel en annulant la délibération du 27 septembre 2017 approuvant le plan local d’urbanisme de la commune déléguée des Avenières en tant que les articles Ud 1 et Ud 2 du règlement du plan local d’urbanisme interdisent la plupart des constructions nouvelles.
2. En vertu de l’article L. 151-5 du code de l’urbanisme, le projet d’aménagement et de développement durables du plan local d’urbanisme définit notamment » les orientations générales des politiques d’aménagement, d’équipement, d’urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques » et » fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain « . Aux termes de l’article L. 151-9 du même code : » Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger./ Il peut préciser l’affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l’interdiction de construire./ Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées « . L’article L. 151-19 de ce code dispose que : » Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les quartiers, îlots, immeubles bâtis ou non bâtis, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d’ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation, leur conservation ou leur restauration (…) « . Selon l’article L. 151-23 du code, le règlement » peut localiser, dans les zones urbaines, les terrains cultivés et les espaces non bâtis nécessaires au maintien des continuités écologiques à protéger et inconstructibles quels que soient les équipements qui, le cas échéant, les desservent « . Aux termes de l’article R. 123-5 du même code, dans sa version applicable au litige : » Les zones urbaines sont dites » zones U « . Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter « .
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le règlement du plan local d’urbanisme attaqué a institué des zones Ud correspondant » aux villages, hameaux et groupements bâtis existants, situés en dehors de l’enveloppe urbaine du centre « . Dans ces zones, l’article Ud 1 a interdit les nouvelles constructions à usage de logements, les constructions et installations à vocation industrielle, les entrepôts non liés à une activité existante, les nouvelles exploitations agricoles, les terrains de camping ainsi que certains terrassements, tandis que l’article Ud 2, qui n’interdit pas les autres destinations de constructions, a admis à des conditions particulières les établissements artisanaux, l’extension limitée des constructions existantes, les piscines et les annexes, les constructions nouvelles après lotissement et les bâtiments d’activités existants.
4. La cour administrative d’appel a jugé illégaux les articles Ud 1 et Ud 2 du règlement du plan local d’urbanisme, dont elle a estimé qu’ils avaient pour effet d’interdire la plupart des constructions nouvelles sur les terrains non construits, au motif qu’un plan local d’urbanisme ne peut légalement fixer de règle générale ayant pour effet d’interdire la plupart des constructions nouvelles sur des terrains classés en zone U sans que cette inconstructibilité ne soit justifiée par un motif prévu par la loi. En statuant ainsi, alors qu’il appartient à l’autorité locale de définir les partis d’urbanisme que traduit le plan local d’urbanisme dans le respect des dispositions du code de l’urbanisme, sans rechercher si les prescriptions retenues en l’espèce par le règlement des zones Ud situées en dehors de » l’enveloppe urbaine du centre » pouvaient être légalement adoptées compte tenu du parti d’urbanisme visant à » recentrer l’urbanisation « , tel que défini notamment par les orientations générales et par les objectifs du projet d’aménagement et de développement durables, la cour a commis une erreur de droit.
5. Il suit de là, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la commune des Avenières Veyrins-Thuellin est fondée à demander pour ce motif l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.
6. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune des Avenières Veyrins-Thuellin qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. C… et M. B… la somme réclamée par la commune des Avenières Veyrins-Thuellin au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 19 novembre 2019 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Lyon.
Article 3 : MM. C… et B… verseront à la commune des Avenières-Veyrins-Thuellin la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune des Avenières Veyrins-Thuellin et à M. D… C…, premier défendeur nommé.