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Plan Local d’Urbanisme : appréciation de la compatibilité d’un PLU avec le SDRIF par le Conseil d’Etat !

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
06-10-2021
n° 441847
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée Arthemys a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’annuler pour excès de pouvoir 1’arrêté du 17 août 2016 du maire de Montmorency refusant de lui délivrer un permis de construire valant permis de démolir en vue de la construction de deux immeubles de 65 logements collectifs dont 20 logements sociaux après démolition totale de l’existant et d’enjoindre à la commune de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours sous astreinte. Par un jugement n° 1609637 du 17 avril 2018, le tribunal administratif a annulé cet arrêté et enjoint à la commune de réexaminer la demande de la société dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Par un arrêt n°18VE02181 du 14 mai 2020, la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel formé par la commune de Montmorency contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juillet et 15 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Montmorency demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la société Arthemys la somme de 4 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code de l’urbanisme ;

– le décret n° 2013-1241 du 27 décembre 2013 ;

– le code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 septembre 2021, présentée par la commune de Montmorency ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, conseillère d’Etat,

– les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de la commune de Montmorency et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la société Arthemys ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de Montmorency a, le 17 août 2016, refusé d’accorder à la société Arthemys un permis de construire valant permis de démolir en vue de la construction de deux immeubles de 65 logements collectifs, dont 20 logements sociaux, après démolition de deux maisons individuelles. Par un jugement du 17 avril 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé le refus du maire et enjoint à celui-ci de réexaminer la demande de la société. Par un arrêt du 14 mai 2020, contre lequel la commune de Montmorency se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel formé par la commune contre ce jugement.

2. Pour refuser le permis sollicité, le maire de Montmorency s’est fondé sur quatre motifs liés à la densité de la construction et à son insertion dans le site. Il a, d’une part, au titre des trois premiers motifs, estimé que le projet méconnaissait les articles U1-9.1, UA-10.2 et U1-12.3.1 du règlement du plan local d’urbanisme tels que modifiés par une délibération du 4 juillet 2016 du conseil municipal. Ainsi, alors que la première disposition prévoit que l’emprise au sol ne peut excéder 15 % de la superficie du terrain, celle de la construction projetée est de 25 %, tandis que le nombre de niveaux projeté est de R + 2 quand la deuxième disposition limite la hauteur à R + 1 + combles et le projet ne prévoit la création que de 75 places de stationnement quand la troisième disposition en exigerait 88. Le maire a, d’autre part, au titre du quatrième motif, estimé que le projet de construction était de nature, par ses dimensions et sa situation, à porter atteinte à l’intérêt et au caractère des lieux avoisinants. La cour administrative d’appel a jugé que le refus de permis de construire litigieux était entaché d’illégalité en ce que, d’une part, ses trois premiers motifs se fondent sur des dispositions du règlement du plan local d’urbanisme, introduites par la commune de Montmorency lors d’une modification du règlement de son plan local d’urbanisme postérieure à l’adoption du schéma directeur de la région d’Ile-de-France, illégales comme incompatibles avec ce schéma directeur et en ce que, d’autre part, le dernier motif repose sur une inexacte appréciation des faits de l’espèce.

Sur l’arrêt attaqué en tant qu’il se prononce sur la compatibilité de trois dispositions du règlement du plan local d’urbanisme avec les orientations du schéma directeur de la région d’Ile-de-France :

3. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme : « Le schéma directeur de la région d’Ile-de-France a pour objectif de maîtriser la croissance urbaine et démographique et l’utilisation de l’espace tout en garantissant le rayonnement international de cette région. » Ce document, élaboré selon l’article L. 123-5 du même code par la région d’Ile-de-France « en association avec l’Etat », est approuvé, conformément à l’article L. 123-11, par décret en Conseil d’Etat. Selon l’article L. 123-3, alors applicable : « Les schémas de cohérence territoriale et, en l’absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d’urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales sont compatibles avec le schéma directeur de la région d’Ile-de-France. »

4. Il résulte de ces dispositions qu’au sein de la région d’Ile-de-France les schémas de cohérence territoriale et, en leur absence, les plans locaux d’urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales sont soumis à une obligation de compatibilité avec le schéma directeur de cette région. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle du territoire pertinent pour prendre en compte les prescriptions du schéma directeur de la région, si le schéma de cohérence territoriale ou, en son absence, le plan local d’urbanisme, le document en tenant lieu ou la carte communale ne contrarie pas les objectifs et les orientations d’aménagement et de développement fixés par le schéma, compte tenu du degré de précision des orientations adoptées, sans rechercher l’adéquation du plan à chaque orientation ou objectif particulier.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans sa version issue du décret du 27 décembre 2013 portant approbation du schéma directeur de la région d’Ile-de-France, ce dernier fixe, au fascicule n° 3 relatif aux « orientations réglementaires et [à la] carte de destination générale des différentes parties du territoire », un objectif d’augmentation minimale de 10 % de la densité humaine et de la densité des espaces d’habitats à l’horizon 2030, à l’échelle communale, dans les « espaces urbanisés à optimiser » qui couvrent notamment le territoire de la commune de Montmorency. Il ne résulte de ces dispositions aucune obligation d’accroître les surfaces bâties de la commune mais seulement d’adopter, au travers des documents d’urbanisme locaux, des dispositions autorisant la densification, dans les proportions indiquées, à l’horizon 2030.

6. Les dispositions nouvelles du plan local d’urbanisme de Montmorency, résultant de la délibération du conseil municipal du 4 juillet 2016, en particulier celles opposées au projet tout à la fois imposent l’augmentation de la distance minimum d’implantation des bâtiments les uns par rapport aux autres, réduisent de façon importante l’emprise au sol des constructions notamment en zone U1 en passant de 25 % antérieurement à 15 % désormais pour les terrains de plus de 1 000 m² et en zone U2 en passant de 30 % à 20 %, réduisent le nombre maximum de niveaux à R + 1 + combles en zone U1 contre R + 2 antérieurement et imposent, à titre de prescription nouvelle, l’inclusion dans la construction des places de stationnement et l’augmentation du nombre minimum de places requises.

7. En premier lieu, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour a retenu que les dispositions du règlement du plan local d’urbanisme mentionnées au point 2 ont pour objet et pour effet de réduire de manière très sensible les possibilités de construction dans les zones U1 à U3 de la commune de Montmorency, représentant 60 % du territoire de la commune et, dans une mesure moindre, dans la zone U4 représentant 15 % du territoire et destinée à continuer d’accueillir en priorité les nouvelles constructions. Elle a estimé que ces « dispositions radicales de limitation des possibilités de construction » relevées par le commissaire-enquêteur, alors même que le conseil municipal a finalement abandonné la réduction des emprises au sol en zone U3 et la diminution des hauteurs en zone U2 et que les modifications apportées n’auraient qu’un faible impact sur les zones U3, U4 et U5, n’étaient justifiées ni par la densité de population de la commune, qui est plus faible que celle des communes avoisinantes, ni par l’atteinte alléguée des objectifs de densification fixés en 2012 par le plan alors en vigueur de 900 logements pour la période de 2012 à 2022, dont 650 auraient déjà fait l’objet de permis de construire. Elle a également estimé que, contrairement à ce que soutenait la commune, les objectifs du schéma directeur de la région d’Ile-de-France ne pourraient être respectés par la seule délivrance de permis de construire dans les « dents creuses » du territoire, celle-ci ne pouvant suffire à compenser la réduction manifeste de la constructibilité sur la majeure partie du territoire communal résultant des dispositions nouvelles du plan local d’urbanisme, mentionnées au point 6.

8. En se fondant sur de tels motifs pour juger, par la voie de l’exception, que les nouvelles règles d’emprise, de hauteur et de stationnement des articles U1-9.1, UA-10.2 et U1-12.3.1 fondant le refus de permis en litige étaient, prises dans leur ensemble, incompatibles avec le schéma directeur de la région d’Ile-de-France et notamment avec l’orientation réglementaire mentionnée au point 5, la cour, qui a procédé à une analyse globale à l’échelle du territoire pertinent, qui était, pour cette orientation, le territoire de la commune, et a tenu compte du degré de précision de l’orientation adoptée par le schéma directeur, n’a ni commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

9. En second lieu, l’article U1-12.3.1, en imposant désormais d’inclure la moitié des places de stationnement requises « dans la construction » tout en augmentant de 1 à 1,5 place au minimum le nombre de places requis par logement collectif non social, participe, comme il vient d’être dit, de l’illégalité du règlement du plan local d’urbanisme du fait de son incompatibilité avec le schéma directeur de la région d’Ile-de-France, au même titre que les autres dispositions de ce règlement opposées à la demande de permis de construire, qui doivent dès lors être écartées dans leur ensemble et dont il ne saurait être dissocié pour apprécier si un refus aurait légalement pu être opposé au projet sur le fondement de ce seul motif pris isolément. Cette prescription n’est, en tout état de cause, pas justifiée par des conditions difficiles de circulation et de stationnement dans la zone concernée, au demeurant peu dense. Par suite, la cour n’a pas davantage inexactement qualifié les faits en estimant que le motif tiré de la méconnaissance par le projet de l’article U1-12.3.1 ne pouvait fonder à lui seul le refus litigieux.

Sur l’arrêt attaqué en tant qu’il se prononce sur l’atteinte portée par le projet à l’intérêt et à la qualité des lieux environnants :

10. Aux termes du second alinéa de l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme : « Le permis de démolir peut-être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les travaux envisagés sont de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti ou non bâti, du patrimoine archéologique, des quartiers, des monuments et des site. » Selon l’article R. 111-27 du même code : « Le projet peut être refusé où n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales. »

11. La cour a jugé que le projet objet de la demande ne compromettait ni la qualité des lieux environnants au sens de l’article L. 421-6 ni les dispositions de l’article U1/11 du règlement du plan local d’urbanisme qui, ayant le même objet que l’article R. 111-27, posent des exigences qui ne sont pas moindres et trouvent à s’appliquer, dès lors, d’une part, que si les deux bâtiments à démolir présentent les caractéristiques architecturales de maisons bourgeoises construites à la fin du XIXe siècle, il en existe de nombreuses autres dans la commune, aucune protection particulière n’ayant été fixée à la date du refus attaqué, et que, d’autre part, le projet revêt une grande qualité architecturale et prévoit une insertion dans un environnement de parc arboré, sans qu’il soit établi que l’emprise au sol des constructions envisagées ou les toitures seraient de nature à porter une atteinte visuelle à un espace vert situé à proximité ou à un espace boisé classé inclus dans le terrain d’assiette qui sera conservé. La cour a, ce faisant, souverainement apprécié les faits de l’espèce, sans les dénaturer.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Montmorency n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque et que ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. Il y a lieu en revanche, au titre de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune de Montmorency le versement à la société Arthemys d’une somme de 3 000 €.

Décide :

Article 1er : Le pourvoi de la commune de Montmorency est rejeté.

Article 2 : La commune de Montmorency versera à la société Arthemys une somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Montmorency et à la société à responsabilité limitée Arthemys.

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