Vu la procédure suivante :
M. B. A. et Mme D. C. ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d’annuler la décision du 16 octobre 2015 par laquelle le maire de Portes-en-Valdaine a rejeté leur demande tendant à la réalisation des travaux de raccordement de leur propriété au réseau public d’eau potable ;
2°) d’enjoindre au maire d’autoriser ce raccordement et, subsidiairement, de prendre les dispositions nécessaires pour l’assurer en cas d’insuffisance du réseau, dans un délai d’un mois, à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 € par jour de retard.
Par un jugement n° 1603220, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 16 octobre 2015 et a enjoint au maire de procéder aux travaux de raccordement de la propriété de M. A. et de Mme C. au réseau d’eau potable dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 € par jour de retard.
Par un arrêt nos 18LY02668, 18LY04448, la cour administrative d’appel de Lyon a, d’une part, sur appel de la commune de Portes-en-Valdaine, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par M. A. et Mme C., et d’autre part, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l’exécution de ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juin et 6 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A. et Mme C. demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Portes-en-Valdaine la somme de 3 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des requêtes,
– les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de M. A. et de Mme C. et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la commune de Portes-en-valdaine ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 16 octobre 2015, le maire de la commune de Portes-en-Valdaine, qui compte moins de 400 habitants, a rejeté la demande de M. A. et Mme C. tendant à l’exécution des travaux de raccordement au réseau public d’eau potable de leur propriété située à l’extérieur du village, dans le secteur dit de la Citadelle, où six propriétés seulement sont raccordées. Par un jugement du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision et a enjoint au maire de procéder à ces travaux de raccordement dans un délai d’un mois, sous astreinte de 50 € par jour de retard. M. A. et Mme C. demandent l’annulation de l’arrêt du 9 avril 2019 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a, sur appel de la commune, d’une part, annulé le jugement et rejeté leur demande et, d’autre part, prononcé un non-lieu à statuer sur leur requête tendant à l’exécution de ce jugement.
2. Aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 210-1 du code de l’environnement : « […] Chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. » Aux termes de l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales : « Les communes sont compétentes en matière de distribution d’eau potable. Dans ce cadre, elles arrêtent un schéma de distribution d’eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution. […] / Le schéma mentionné à l’alinéa précédent comprend notamment un descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution d’eau potable. […] »
3. Aux termes de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme : « Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n’a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions. »
4. Il résulte des dispositions citées au point 2, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau de laquelle elles sont issues, qu’il appartient aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale compétents de délimiter, dans le respect du principe d’égalité devant le service public, les zones de desserte dans lesquelles ils sont tenus, tant qu’ils n’en ont pas modifié les délimitations, de faire droit aux demandes de réalisation de travaux de raccordement, dans un délai raisonnable, pour toutes les propriétés qui ont fait l’objet des autorisations et agréments visés à l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme. Ce délai doit s’apprécier au regard, notamment, du coût et de la difficulté technique des travaux d’extension du réseau de distribution d’eau potable et des modalités envisageables de financement des travaux. En dehors des zones de desserte ou en l’absence de délimitation par le schéma de telles zones, la collectivité apprécie la suite à donner aux demandes d’exécution de travaux de raccordement, dans le respect du principe d’égalité devant le service public, en fonction, notamment, de leur coût, de l’intérêt public et des conditions d’accès à d’autres sources d’alimentation en eau potable. Le juge de l’excès de pouvoir exerce alors, en cas de refus, un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation.
5. Il résulte de ce qui précède que, en s’abstenant, pour rejeter la demande de M. A. et Mme C., de rechercher d’abord si une zone de desserte avait été délimitée dans le secteur de la Citadelle et si la propriété des intéressés en faisait partie, la cour a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que les requérants sont fondés à demander l’annulation de l’arrêt attaqué.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Portes-en-Valdaine la somme de 1 500 € à verser à M. A. et à Mme C. au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de ces derniers qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.
Décide :
Article 1er : L’arrêt du 9 avril 2019 de la cour administrative d’appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Lyon.
Article 3 : La commune de Portes-en-Valdaine versera une somme de 1 500 € à M. A. et Mme C. au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Portes-en-Valdaine au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A. et à Mme C. et à la commune de Portes-en-Valdaine.