CAA de LYON
N° 17LY04049
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. BOUCHER, président
Mme Christine PSILAKIS, rapporteur
Mme VACCARO-PLANCHET, rapporteur public
MICHEL FLORIAN, avocat
lecture du mardi 12 février 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C… F… et Mmes E… etG… F… ont demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler l’arrêté du 28 avril 2015 par lequel le maire de la commune de Saint-Germain-Nuelles a retiré le permis de construire qu’il leur avait tacitement accordé le 1er février 2015 pour l’édification de quatre maisons individuelles sur un tènement situé impasse des Vignes.
Par un jugement n° 1507291 du 28 septembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 novembre 2017 et un mémoire enregistré le 14 mai 2018 qui n’a pas été communiqué, M. C… F… et Mmes E… etG… F…, représentés par Me D…, demandent à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 septembre 2017 ;
2°) d’annuler l’arrêté du maire de Saint-Germain-Nuelles du 28 avril 2015 ;
3°) d’enjoindre au maire de Saint-Germain-Nuelles d’établir un certificat de non-opposition dans un délai de deux mois à compter de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jours de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Germain-Nuelles la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– c’est à tort que le tribunal a considéré que le maire pouvait procéder au retrait d’un permis tacitement obtenu à la suite d’un sursis à statuer dès lors qu’à l’expiration du délai de deux mois suivant la confirmation de leur demande de permis de construire, la commune était dessaisie de la demande ;
– la décision de retrait est intervenue à l’issue d’une procédure irrégulière, dès lors que la procédure contradictoire, prévue par les dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, n’a été menée qu’à l’encontre de M. F… et non des autres co-indivisaires.
Par un mémoire enregistré le 21 mars 2018, la commune de Saint-Germain-Nuelles, représentée par Me A…, conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des consorts F… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.
La clôture de l’instruction a été fixée au 14 mai 2018 par une ordonnance du 27 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller,
– les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
– et les observations, de Me B… pour les consortsF…, ainsi que celles de Me A… pour la commune de Saint-Germain-Nuelles ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 22 mars 2013, le maire de la commune de Saint-Germain-Nuelles a sursis à statuer, pour une durée de deux ans, sur la demande de permis de construire quatre maisons individuelles sur un tènement situé impasse des Vignes, déposée le 3 décembre 2012 par Mme E… F…, Mme G… H…-F… et M. C… F…, constituant l’indivisionF…. Ce sursis à statuer était fondé sur le fait que le projet était susceptible de compromettre ou de rendre plus onéreuse l’exécution du plan local d’urbanisme (PLU) alors en cours d’élaboration. Après l’approbation du PLU par une délibération du 4 février 2014, les consorts F…ont confirmé leur demande de permis de construire le 1er décembre 2014. Un permis de construire tacite est né du silence de l’autorité administrative le 1er février 2015, en vertu des dispositions de l’article L. 111-8 alors en vigueur du code de l’urbanisme. Toutefois, par une décision du 28 avril 2015, le maire de Saint-Germain-Nuelles a retiré ce permis de construire tacite. Les consorts F…relèvent appel du jugement du 28 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande d’annulation de cette décision de retrait.
Sur la légalité de la décision du 28 avril 2015 :
2. D’une part, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 123-6 alors en vigueur du code de l’urbanisme : » A compter de la publication de la délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme, l’autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l’article L. 111-8, sur les demandes d’autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan. « . Aux termes de l’article L. 111-8 alors en vigueur du même code : » Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. / (…) A l’expiration du délai de validité du sursis à statuer, une décision doit, sur simple confirmation par l’intéressé de sa demande, être prise par l’autorité compétente chargée de la délivrance de l’autorisation, dans le délai de deux mois suivant cette confirmation. Cette confirmation peut intervenir au plus tard deux mois après l’expiration du délai de validité du sursis à statuer. Une décision définitive doit alors être prise par l’autorité compétente pour la délivrance de l’autorisation, dans un délai de deux mois suivant cette confirmation. A défaut de notification de la décision dans ce dernier délai, l’autorisation est considérée comme accordée dans les termes où elle avait été demandée. « .
3. D’autre part, aux termes de l’article L. 424-5 du même code dans sa rédaction alors applicable : » La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s’ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. « .
4. En premier lieu, les dispositions de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme fixent les conditions de retrait des permis de construire, tacites ou explicites, quelles qu’aient été les modalités de leur obtention. Il n’y est donc pas dérogé en ce qui concerne les permis tacitement accordés dans les conditions fixées par l’article L. 111-8 du même code. Dès lors, les consorts F…ne sont pas fondés à soutenir que le maire de Saint-Germain-Nuelles était dessaisi et ne pouvait légalement procéder au retrait de leur permis de construire tacite, au motif qu’ils l’avaient obtenu selon la procédure prévue par cet article L. 111-8, après confirmation d’une demande de permis de construire sur laquelle il avait été sursis à statuer.
5. En second lieu, aux termes de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors en vigueur : » Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales.(…) « .
6. D’une part, une décision de retrait, qui est au nombre des décisions devant être motivées en application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur, doit être précédée de la procédure contradictoire prévue à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000. Le respect, par l’autorité administrative compétente, de cette procédure contradictoire, constitue une garantie pour le titulaire du permis que le maire envisage de retirer. La décision de retrait prise par le maire est ainsi illégale s’il ressort de l’ensemble des circonstances de l’espèce que le titulaire du permis a été effectivement privé de cette garantie.
7. D’autre part, lorsqu’un permis de construire tacite est délivré à plusieurs bénéficiaires, la procédure contradictoire précédant son retrait doit être menée à l’égard de chacun des bénéficiaires du permis, tels que désignés, avec leur adresse, dans la demande. En particulier, dans le cas où le permis tacite est délivré aux membres d’une indivision, la procédure contradictoire doit en principe être menée à l’encontre de ceux des co-indivisaires qui ont présenté la demande de permis et dont le nom, comme l’adresse, figure dans cette demande ou, lorsque les co-indivisaires ont désigné un mandataire, à ce dernier et à l’adresse figurant dans la demande.
8. En l’espèce, toutefois, si la demande de permis de construire à laquelle le maire de Saint-Germain-Nuelles a opposé un sursis par arrêté du 22 mars 2013 avait été présentée conjointement par M. C… F…et Mmes E…et G…F…, la confirmation de cette demande a été présentée par M. C… F…, se présentant comme agissant au nom de l’indivision F… dans un courrier du 1er décembre 2014 adressé au maire. Dans ces conditions, le maire a pu régulièrement mener la procédure contradictoire préalable au retrait en litige à l’égard du seul M. C… F…, qui a d’ailleurs répondu au nom de l’indivision, par lettre du 14 avril 2015 au courrier du 9 avril 2015 par lequel le maire l’a informé de son intention de procéder au retrait du permis de construire tacite du 1er février 2015. Il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure contradictoire qui a précédé la décision de retrait du permis de construire en litige était viciée au motif qu’elle n’avait été menée qu’à l’égard de M. C… F….
9. Il résulte de ce qui précède que les consorts F…ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
10. Pour l’application de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, le présent arrêt, qui confirme le rejet des conclusions des consorts F…dirigées contre la décision du maire de Saint-Germain-Nuelles du 28 avril 2015, n’implique aucune mesure d’exécution. Par suite, les conclusions des requérants tendant à ce que de telles mesures soient prescrites ne peuvent qu’être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que les consorts F…demandent au titre des frais qu’ils ont exposés soit mise à la charge de la commune de Saint-Germain-Nuelles, qui n’est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge solidaire des consorts F…le versement d’une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Germain-Nuelles.
DECIDE :
Article 1er : La requête des consorts F… est rejetée.
Article 2 : M. C… F…, Mme E… F… et Marie-Françoise F… verseront solidairement à la commune de Saint-Germain-Nuelles la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C… F…, premier requérant dénommé, pour l’ensemble des requérants, et à la commune de Saint-Germain-Nuelles.
Délibéré après l’audience du 22 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 février 2019.
La République mande et ordonne au préfet du Rhône en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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