Conseil d’État
N° 410039
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Mme Anne Iljic, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats
lecture du vendredi 5 avril 2019
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A…B…a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) à lui verser une indemnité de 400 380,17 euros majorée des intérêts au taux légal en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait des informations erronées mentionnées dans une lettre du maire du 2 août 2011 relatives à l’usage d’un local lui appartenant dans un immeuble situé 8, villa des Sablons.
Par un jugement n° 1305537 du 8 décembre 2015, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16VE00275 du 23 février 2017, la cour administrative d’appel de Versailles a, sur appel de M.B…, annulé ce jugement et condamné la commune de Neuilly-sur-Seine à lui verser la somme de 78 237 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2012.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 avril et 24 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Neuilly-sur-Seine demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de M.B… ;
3°) de mettre à la charge de M. B…la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de la construction et de l’habitation ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d’Etat,
– les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la commune de Neuilly-sur-Seine et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A…B…;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que M. B… a signé, le 12 juillet 2011, une promesse de vente relative à un local dont il est propriétaire au rez-de-chaussée d’un immeuble d’habitation situé 8, villa des Sablons à Neuilly-sur-Seine. Consulté par le notaire chargé de la vente, le maire de Neuilly-sur-Seine a indiqué, par une lettre du 2 août 2011, qu’il s’agissait d’un bien à usage de remise et de garage qui n’était pas à usage professionnel, commercial ou industriel, précisant que ce local avait fait l’objet le 11 mars 1982 d’un procès-verbal à raison de sa transformation sans autorisation en local commercial et que l’affectation de ce local ne pouvait être modifiée. Le bénéficiaire de la promesse de vente ayant pour ce motif renoncé à son projet d’acquisition, M. B…a recherché la responsabilité de la commune à raison de la faute qu’elle aurait commise en donnant des informations erronées sur l’affectation du local et a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune à lui verser une indemnité de 400 380, 17 euros en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi. Sa demande a été rejetée par un jugement du 8 décembre 2015 dont il a fait appel. La commune de Neuilly-sur-Seine se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 23 février 2017 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles l’a condamnée à verser une indemnité de 78 237 euros à M.B….
2. Aux termes de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, créé par l’ordonnance du 8 juin 2005 relative au logement et à la construction : » La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable. / Constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes (…). / Pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés (…) « . Il résulte des termes mêmes de cet article qu’en l’absence d’autorisation de changement d’affectation ou de travaux postérieure, un local est réputé être à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sans qu’il y ait lieu de rechercher si cet usage était fondé en droit à cette date. En revanche, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet d’attacher pareilles conséquences au constat, au 1er janvier 1970, de l’affectation d’un local à un autre usage que l’habitation.
3. Pour juger que le maire de Neuilly-sur-Seine, en indiquant que le bien de M. B… était un garage annexe aux logements de l’immeuble ayant fait l’objet d’une transformation non autorisée, avait fourni des renseignements erronés constitutifs d’une faute engageant la responsabilité de la commune, la cour administrative d’appel s’est fondée sur les circonstances que le local litigieux était affecté à un usage commercial depuis 1963, qu’il avait été répertorié comme local à usage commercial lors de la révision foncière de 1970 et qu’il n’avait pas été réaffecté à l’habitation après cette date. En se fondant ainsi sur le seul constat de l’affectation du local à un autre usage que l’habitation au 1er janvier 1970, et en écartant le moyen tiré de l’absence de régularisation de l’affectation sans autorisation à usage commercial de ce local initialement destiné à l’habitation, la cour administrative d’appel a méconnu la portée des dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation telles qu’interprétées au point 2 et entaché son arrêt d’erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la commune de Neuilly-sur-Seine est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de M. B…au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 23 février 2017 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Versailles.
Article 3 : M. B…versera une somme de 3 000 euros à la commune de Neuilly-sur-Seine au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Neuilly-sur-Seine et à M. A… B….