CAA de NANTES
N° 16NT03199
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre
M. PEREZ, président
Mme Karima BOUGRINE, rapporteur
M. DERLANGE, rapporteur public
CABINET BASCOULERGUE, avocat
lecture du vendredi 9 novembre 2018
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C…et Joëlle B…et M. et Mme F…et Marie-Odile A…ont demandé au tribunal administratif de Nantes d’annuler l’arrêté du 27 mars 2013 par lequel le président du conseil général de la Loire-Atlantique a délimité, sur le territoire de la commune de la Chapelle-sur-Erdre, le domaine public fluvial.
Par un jugement n° 1304385 du 19 juillet 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 20 septembre 2016 et le 21 juin 2018, M. et Mme B…et M. et MmeA…, représentés par MeE…, demandent à la cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 juillet 2016 ;
2°) d’annuler l’arrêté contesté ;
3°) d’enjoindre au président du conseil départemental de prendre toutes mesures utiles et nécessaires en vue d’éviter l’exécution de l’arrêté contesté et notamment interdire les accès des berges de l’Erdre, au besoin par l’assistance de la force publique ou par tout procédé approprié de signalisation et de fermeture, sous astreinte de 1 000 euros à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du département de la Loire-Atlantique, sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés en première instance et non compris dans les dépens et une somme du même montant au titre des frais exposés en appel.
Ils soutiennent que :
– le tribunal n’a pas répondu à différents arguments développés à l’appui des moyens tirés de l’incompétence de l’auteur de l’arrêté en litige, de l’insuffisance du dossier soumis à enquête publique et de ce que la portion de l’Erdre en litige doit être qualifiée de plan d’eau ;
– la délimitation du domaine public départemental ressortissant à la compétence de l’assemblée délibérante et non à celle du président du conseil général, l’arrêté contesté est entaché d’incompétence ;
– cet arrêté reprend exactement les mêmes éléments de délimitation que l’arrêté du 28 mars 2011, qui a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Nantes devenu définitif, ainsi que l’arrêté du 25 mai 2012, lequel a été retiré ;
– l’information du public a été réalisée sur la base des mêmes éléments que ceux présentés préalablement à l’édiction de l’arrêté du 28 mars 2011, lequel a été annulé motif pris de l’insuffisance du dossier soumis à enquête publique, et à l’édiction de l’arrêté du 25 mai 2012, entaché de la même illégalité, qui a été retiré ; en particulier, le dossier ne permet ni de comprendre les principes de délimitation des secteurs marécageux et des boires ni de vérifier les zones pour lesquelles la délimitation cadastrale a été utilisée à la place de celle de la berge ou de préférence à l’application de la cote de 4,60 mètres ;
– il n’a pas été procédé à une concertation préalable à l’enquête publique, en méconnaissance de l’article L. 126-16 du code de l’environnement ;
– alors qu’aucune étude d’impact n’a été réalisée, le dossier soumis à enquête publique ne procède pas à l’analyse des incidences de l’arrêté envisagé sur l’environnement ;
– les prescriptions émises par le commissaire enquêteur n’ont pas été respectées ;
– les recommandations auxquelles le commissaire enquêteur a subordonné son avis favorable conduisent à regarder cet avis comme défavorable de sorte que, en application tant des articles L. 126-1, L. 123-12 et L. 414-4 du code de l’environnement que des articles L. 11-2 et R. 11-10 du code de l’expropriation, l’assemblée délibérante du département devait se prononcer sur les réserves émises par le commissaire enquêteur ;
– l’avis du commissaire enquêteur est insuffisamment motivé et se borne à reprendre la proposition qui lui est soumise alors que celle-ci est identique à celle ayant fait l’objet de l’enquête publique réalisée préalablement à l’arrêté du 25 mai 2012 et que le dossier soumis à enquête n’a pas été modifié ;
– sur le secteur considéré, l’Erdre ne présentant plus les caractéristiques d’une rivière naturelle mais celles d’un plan d’eau, la délimitation prévue à l’article L. 2111-9 du code général de la propriété des personnes publiques ne pouvait légalement être entreprise ;
– dès lors que le niveau de l’Erdre se situe, en période d’étiage 4,34 mètres NGF, la cote de référence arbitrairement retenue et fixée de façon théorique à 4,60 mètres NGF vise à élargir le domaine public fluvial afin de pouvoir instituer une servitude de marchepied sur les propriétés privées riveraines ; la procédure a ainsi été détournée ; la méthode de délimitation est entachée de contradiction interne et la cote de 4,60 mètres ne trouve aucune justification précise et objective ;
– l’arrêté attaqué ne permet pas de fixer un bornage clair entre la propriété du département et les propriétés privées riveraines de l’Erdre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2017, le département de la Loire-Atlantique, représenté par le cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire des requérants d’une somme de 4 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code général de la propriété des personnes publiques ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Bougrine,
– les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
– et les observations de MeE…, représentant M. et Mme B…et M. et Mme A… et de MeD…, représentant le département de la Loire-Atlantique.
Considérant ce qui suit :
1. Par trois arrêtés du 27 mars 2013, le président du conseil général de la Loire-Atlantique a délimité le domaine public fluvial de l’Erdre sur le territoire des communes de Sucé-sur-Erdre, la Chapelle-sur-Erdre et Carquefou. M. et Mme B…et M. et MmeA…, riverains, sur la commune de la Chapelle-sur-Erdre, de cette rivière, relèvent appel du jugement du 19 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 27 mars 2013 portant délimitation du domaine public fluvial sur la rive droite de l’Erdre à la Chapelle-sur-Erdre.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le tribunal, qui n’était pas tenu de répondre à chacun des arguments présentés par les requérants au soutien de leurs moyens, a suffisamment motivé son jugement, lequel n’est pas davantage entaché d’omission à répondre à un moyen.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
En ce qui concerne la compétence du président du conseil général :
3. En premier lieu et d’une part, aux termes du premier alinéa de l’article R. 2111-15 du code général de la propriété des personnes publiques : » Les limites du domaine public fluvial sont fixées, dans les conditions définies au premier alinéa de l’article L. 2111-9 du code général de la propriété des personnes publiques, par arrêté du préfet de département pour le domaine de l’Etat et par arrêté de l’autorité compétente de la collectivité propriétaire pour le domaine des collectivités territoriales et de leurs groupements. « .
4. D’autre part, aux termes de l’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable : » Le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département. / Il statue sur tous les objets sur lesquels il est appelé à délibérer par les lois et règlements et, généralement, sur tous les objets d’intérêt départemental dont il est saisi. / Il donne son avis sur tous les objets sur lesquels il est consulté en vertu des lois et règlements ou dont il est saisi par les ministres et notamment sur les changements proposés aux limites territoriales du département, des arrondissements, des cantons et des communes et sur la désignation de leur chef-lieu. « . Aux termes de l’article L. 3213-1 du même code, relatif aux compétences du conseil général en matière de gestion du patrimoine et plus particulièrement de domaine : » Le conseil général statue sur les objets suivants : / 1° Acquisition, aliénation et échange des propriétés départementales mobilières ou immobilières ; / 2° Mode de gestion des propriétés départementales ; / 3° Baux de biens donnés ou pris à ferme ou à loyer, quelle qu’en soit la durée ; / 4° Changement de destination des propriétés et des édifices départementaux ; / 5° Assurances des bâtiments départementaux. « . Aux termes de l’article L. 3221-4 de ce code : » Le président du conseil général gère le domaine du département. (…) « .
5. L’arrêté portant délimitation du domaine public fluvial est un acte recognitif qui se borne à constater les limites des eaux coulant à pleins bords avant de déborder, telles qu’elles résultent des phénomènes naturels observés. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il n’a ni pour objet ni pour effet de procéder à l’acquisition de propriétés. Il n’a, par ailleurs, aucune incidence sur les limites territoriales du département. Dès lors, les requérants ne peuvent utilement invoquer les dispositions précitées de l’article L. 3213-1 ni celles du troisième alinéa de l’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales pour soutenir que seul le conseil général était compétent pour prendre l’arrêté litigieux.
6. En deuxième lieu, les dispositions précitées de l’article L. 3221-4 du code général des collectivités territoriales attribuent au président du conseil général la compétence de gestion du domaine départemental et l’article R. 2111-15 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit la délimitation du domaine public fluvial de cette collectivité par arrêté de l’autorité compétente. Les requérants ne peuvent, par suite, se prévaloir de la » compétence générale de l’assemblée délibérante « .
7. En troisième lieu, il résulte de ce qui vient d’être dit que le président du conseil général a pu compétemment opérer la délimitation du domaine public fluvial du département. En conséquence, les requérants ne sauraient utilement faire valoir ni que la délibération de la commission permanente du 4 octobre 2012 approuvant l’organisation d’une enquête publique et autorisant le président du conseil général à signer les actes afférents à cette procédure est trop imprécise pour être regardée comme consentant une délégation de compétence au profit du président du conseil général, ni que la délimitation du domaine public fluvial ne peut légalement faire l’objet d’une délégation de compétence, ni, enfin, que le président du conseil général a, en reprenant les principes de délimitation ayant fondé une précédente délimitation, méconnu les conditions posées par cette délibération.
8. En quatrième lieu, aux termes de l’article L. 142-1, alors en vigueur, du code de l’urbanisme : » Afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d’expansion des crues et d’assurer la sauvegarde des habitats naturels selon les principes posés à l’article L. 110, le département est compétent pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d’ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non. « . Pour la mise en oeuvre de ces dispositions, les articles L. 142-2 et L. 142-3, alors en vigueur, du même code prévoyaient que le conseil général pouvait instituer une part départementale de la taxe d’aménagement et créer des zones de préemption.
9. Ni les dispositions précitées ni la circonstance que, après avoir émis un avis favorable au projet d’arrêté de délimitation, le commissaire enquêteur a notamment recommandé » après adoption de la délimitation du domaine fluvial, [de] mettre en place les mesures nécessaires à la conservation des espaces naturels sensibles afin d’éviter une fréquentation intensive et dégradante du milieu « , n’ont pu avoir pour effet de conférer au conseil général compétence pour procéder à la délimitation du domaine public fluvial. Elles n’impliquaient pas davantage que l’assemblée délibérante se prononce, préalablement à l’intervention de l’arrêté de délimitation, sur le respect des recommandations émises.
10. En cinquième lieu, aux termes du premier alinéa de l’article L. 126-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable au litige : » Lorsqu’un projet public de travaux, d’aménagements ou d’ouvrages a fait l’objet d’une enquête publique en application du chapitre III du présent titre, l’autorité de l’Etat ou l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public responsable du projet se prononce, par une déclaration de projet, sur l’intérêt général de l’opération projetée. « .
11. L’arrêté de délimitation en litige, lequel a au demeurant fait l’objet d’une enquête publique en application non du code de l’environnement mais du code général de la propriété des personnes publiques et du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, ne porte aucunement sur un projet public de travaux, d’aménagements ou d’ouvrages. Par suite, les requérants ne sauraient utilement soutenir que les dispositions précitées de l’article L. 126-1 du code de l’environnement ont été méconnues.
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
S’agissant du défaut de concertation préalable :
12. L’acte de délimitation du domaine public fluvial n’étant pas au nombre des » projet[s], plan[s] ou programme[s] ou décision[s] mentionné[s] à l’article L. 123-2 du code de l’environnement « , les requérants ne sauraient utilement soutenir qu’une concertation préalable à l’enquête associant le public aurait dû être menée en application de l’article L. 121-16 du même code. Il ne résulte, par ailleurs, d’aucune disposition ni d’aucun principe que l’arrêté portant délimitation du domaine public fluvial d’une collectivité territoriale doive être précédé d’une concertation préalable avec les riverains. Enfin, la circonstance, à la supposer établie, que les services de la préfecture auraient associé les propriétaires riverains de l’Erdre à une concertation, dont il n’est, au demeurant, pas démontré qu’elle aurait porté sur les limites du domaine public fluvial dont la détermination ressortit à la compétence du département, n’obligeait pas le président du conseil général à en engager une.
S’agissant du dossier mis à l’enquête publique :
13. En vertu du second alinéa de l’article R. 2111-15 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction applicable au litige, l’enquête publique est organisée dans les conditions prévues aux articles R. 11-4 à R. 11-14 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Aux termes du deuxième alinéa de l’article R. 11-7 de ce code : » Tous documents, plans et maquettes établis par l’expropriant peuvent préciser les opérations projetées. « .
14. Il ressort des pièces du dossier que le dossier d’enquête comportait des vues aériennes sur lesquelles était reporté le tracé des limites domaniales, représenté par des points topographiques, identifiés par des coordonnées X et Y dans le référentiel de projection Lambert II et séparés d’intervalles de dix mètres au plus. Par ailleurs, alors même que les cartes ne faisaient pas apparaître les endroits où la délimitation a été effectuée selon les limites cadastrales et non par application de la cote de 4,60 mètres NGF-IGN 69 ou au niveau de la limite physique de la berge, la partie littérale du dossier permettait de comprendre les modalités de délimitation retenues, différentes selon les caractéristiques physiques, illustrées par des dessins, des zones considérées. En outre, il est constant qu’était jointe au dossier l’étude effectuée par une société d’ingénierie spécialisée dans le domaine de l’eau au regard de laquelle le niveau des plus hautes eaux a été fixé à la cote 4,60 mètres NGF-IGN 69. Enfin, eu égard à la nature recognitive de l’acte litigieux et à sa portée, la circonstance que le dossier n’aurait contenu aucune analyse quant à l’impact de l’arrêté de délimitation envisagé sur l’environnement n’a aucune incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance du dossier d’enquête publique doit être écarté.
S’agissant de l’absence d’évaluation des incidences de l’arrêté contesté sur l’environnement :
15. L’arrêté contesté se borne à constater les limites du domaine public fluvial de l’Erdre sur le territoire de la commune de la Chapelle-sur-Erdre, telles qu’elles résultent des phénomènes physiques observés, en réservant les droits des tiers. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne constitue avec l’institution de la servitude de marchepied, prévue à l’article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques, laquelle lui préexiste, ni une opération complexe ni un » programme d’ensemble « . Il est, en outre, indépendant de la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique entreprise plusieurs années auparavant en vue de la réalisation d’un chemin. Eu égard à sa nature recognitive, il ne saurait, par lui-même, impacter la vallée de l’Erdre, site inscrit et classé, non plus que les marais de l’Erdre, classés en zone Natura 2000. Ainsi, il ne peut être regardé comme ayant pour objet un projet de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements publics et privés au sens de l’article L. 122-1, dans sa rédaction alors applicable, du code de l’environnement. Par suite, le moyen tiré de l’absence d’étude d’impact en méconnaissance de ces dispositions ne peut qu’être écarté.
S’agissant de l’avis du commissaire enquêteur :
16. En vertu de l’article R. 11-10 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, il appartient au commissaire enquêteur, après avoir examiné les observations consignées ou annexées aux registres et entendu toutes personnes qu’il paraît utile de consulter ainsi que les propriétaires riverains s’ils le demandent, de rédiger des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l’opération.
17. En premier lieu, les conclusions et l’avis émis le 18 février 2013 par le commissaire enquêteur font suffisamment apparaître les raisons pour lesquelles ce dernier a estimé devoir émettre un avis favorable, assorti de trois recommandations, aux projets d’arrêtés de délimitation. Si le commissaire enquêteur a repris à son compte certains des arguments développés par le département, il ne résulte pas de cette circonstance que ses conclusions ne traduiraient pas un avis objectif et personnel.
18. En deuxième lieu, la circonstance que les recommandations émises par le commissaire enquêteur n’auraient pas été suivies d’effet sont sans incidence sur la légalité de l’arrêté contesté.
19. En troisième lieu, les requérants ne se prévalent utilement ni des articles L. 126-1 et L. 123-12 du code de l’environnement, dans le champ d’application desquels n’entrent pas les arrêtés portant délimitation du domaine public fluvial, ni de l’article L. 11-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique qui concerne les arrêtés de déclaration d’utilité publique. En outre, il ne résulte pas de l’article R. 11-10 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, applicable aux procédures de délimitation du domaine public fluvial en vertu de l’article R. 2111-15, dans sa rédaction applicable au litige, du code général de la propriété des personnes publiques, que les recommandations émises par le commissaire enquêteur auraient dû » être validées par le Conseil général dans son organisme délibérant « .
En ce qui concerne l’autorité de la chose jugée :
20. Par des jugements du 5 juillet 2012, le tribunal administratif de Nantes a annulé l’arrêté du 28 mars 2011 par lequel le président du conseil général de la Loire-Atlantique avait délimité le domaine public fluvial de l’Erdre sur le territoire des communes de Carquefou, la Chapelle-sur-Erdre et Sucé-sur-Erdre aux motifs, d’une part, de l’incompétence de l’auteur de l’acte et, d’autre part, de l’absence dans le dossier d’enquête publique de » documents [permettant] d’établir les motifs du choix fait de retenir une (…) cote de 4,60 mètres « , entachant ce dossier d’insuffisance.
21. Il est constant que le dossier d’enquête soumis à l’enquête publique qui s’est déroulée du 3 au 18 janvier 2013 comportait, ainsi qu’il a été dit au point 14 du présent arrêt, l’étude réalisée en 2011 par un cabinet d’études en ingénierie de l’eau dont il ressort que l’analyse des niveaux journaliers de l’Erdre entre 1938 et 2010 a permis d’évaluer la période de retour associée à la cote de référence de 0,26 mètres, soit 4,60 mètres NGF-IGN 69 à un an et un mois. Cette étude, dont les résultats corroborent les observations faites par les services du département et exposées à la page 7 du dossier, comportait ainsi les éléments d’information de nature à éclairer utilement les intéressés sur les motifs ayant conduit l’administration à arrêter la cote de 4,60 mètres NGF-IGN 69. Par suite, alors même que les principes et tracés de délimitation figurant au dossier étaient identiques à ceux que comportait le dossier mis à l’enquête publique ayant précédé l’arrêté du 28 mars 2011, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’autorité de la chose jugée s’attachant aux jugements du tribunal administratif de Nantes du 5 juillet 2012 aurait été méconnue.
En ce qui concerne » l’erreur de droit » :
22. Aux termes de l’article L. 2111-7 du code général de la propriété des personnes publiques : » Le domaine public fluvial naturel est constitué des cours d’eau et lacs appartenant à l’Etat, à ses établissements publics, aux collectivités territoriales ou à leurs groupements, et classés dans leur domaine public fluvial. « . Le premier alinéa de l’article L. 2111-9 de ce code dispose : » Les limites des cours d’eau domaniaux sont déterminées par la hauteur des eaux coulant à pleins bords avant de déborder. « . Aux termes de l’article L. 2111-10 du même code : » Le domaine public fluvial artificiel est constitué : / 1° Des canaux et plans d’eau appartenant à une personne publique mentionnée à l’article L. 2111-7 ou à un port autonome et classés dans son domaine public fluvial ; / (…) « .
23. Il ressort des pièces du dossier que la rivière de l’Erdre, affluent de la Loire, est caractérisée par un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. Ainsi, alors même que dans la partie aval de son cours, sa pente est très faible et son débit régulé par les ouvrages de l’écluse Saint-Félix à Nantes, l’Erdre doit être regardée comme un cours d’eau domanial au sens de l’article L. 2111-7 du code général de la propriété des personnes publiques. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’Erdre constituerait un plan d’eau au sens de l’article L. 2111-10 de ce code et relèverait, en conséquence, du domaine public fluvial artificiel ni, par suite, qu’en procédant à la délimitation litigieuse au regard des dispositions de l’article L. 2111-9 du code général de la propriété des personnes publiques le président du conseil général aurait commis une erreur de droit.
En ce qui concerne » l’erreur de fait » :
24. En premier lieu, les dispositions de l’article L. 2111-9 du code général de la propriété des personnes publiques, citées au point 22 du présent arrêt, doivent être entendues comme fixant la limite du domaine public fluvial au point où les plus hautes eaux peuvent s’étendre en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles. Pour l’application de ces prescriptions, il appartient, en principe, à l’autorité administrative de déterminer le point le plus bas des berges du cours d’eau pour chaque section de même régime hydraulique, sans prendre en compte les points qui, en raison de la configuration du sol ou de la disposition des lieux, doivent être regardés comme des points exceptionnels à négliger pour le travail d’ensemble de la délimitation. Par le point le plus bas ainsi déterminé, il y a lieu de faire passer un plan incliné de l’amont vers l’aval parallèlement à la surface du niveau des hautes eaux observé directement sur les lieux. La limite du domaine public doit être fixée à l’intersection de ce plan avec les deux rives du cours d’eau.
25. Il ressort des pièces du dossier que pour procéder à la délimitation de son domaine public fluvial de l’Erdre, le département a, pour la partie du linéaire caractérisée par la présence de talus ou de francs-bords, retenu la limite physique de la berge. S’agissant des zones dans lesquelles cette limite n’était pas identifiable en raison des caractéristiques physiques de la berge, il a fixé la limite à la cote de 4,60 mètres NGF-IGN 69.
26. Il ressort des pièces du dossier que la cote de 4,60 mètres NGF-IGN 69 a été arrêtée en considération du dépassement, observé lors de petites crues hivernales dépourvues de caractère exceptionnel, du niveau de 4,54 mètres NGF correspondant à celui auquel la régulation par l’écluse Saint-Félix doit aboutir en hiver en application du protocole de gestion des niveaux d’eau de l’Erdre. L’analyse statistique des niveaux de l’Erdre, réalisée en janvier 2011 par un bureau d’études spécialisé en ingénierie de l’eau à partir des valeurs, relevées au cours de 62 années hydrologiques et dont la fiabilité a été vérifiée, indique que la période de retour associée au niveau d’eau de 4,60 mètres NGF-IGN 69 est d’un an et un mois. Les requérants ne peuvent sérieusement se prévaloir de la cote de 4,34 mètres NGF prévue par le protocole de gestion des niveaux d’eau de l’Erdre en période d’étiage, laquelle ne peut, par définition, correspondre au niveau des plus hautes eaux. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cote retenue de 4,60 mètres NGF-IGN 69, laquelle repose sur des constats objectifs et fiables, alors même que les relevés hydrologiques ont été effectués à Nort-sur-Erdre et non à la Chapelle-sur-Erdre, serait erronée. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les erreurs affectant les coordonnées géodésiques relevées dans le dossier soumis à l’enquête publique menée préalablement à l’arrêté de délimitation du 28 mars 2011, disparu de l’ordre juridique, n’ont pas été réitérées dans l’arrêté contesté. Enfin, la discordance invoquée avec les limites cadastrales n’est pas de nature à entacher la délimitation d’inexactitude.
27. En second lieu et d’une part, il n’appartient qu’à l’autorité administrative d’effectuer unilatéralement, sous le contrôle du juge, la délimitation du domaine public naturel et notamment celle du domaine public fluvial. Si elle est tenue d’y procéder lorsqu’elle est saisie d’une demande en ce sens par les riverains, elle ne saurait légalement y procéder par voie d’accord avec ces derniers. A cet égard, la procédure de bornage entre propriétés privées contiguës, fixée par l’article 646 du code civil, ne s’applique pas au domaine public. D’autre part, la délimitation est effectuée sous la forme d’un tracé sur un plan annexé à l’acte de délimitation. Aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général n’impose à l’autorité administrative de compléter la délimitation du domaine public naturel tracée sur un plan par une matérialisation sur le terrain à l’aide de bornes, piquets ou autres dispositifs. En l’espèce, le tracé annexé à l’arrêté contesté, représenté par des points topographiques, identifiés par des coordonnées X et Y dans le référentiel de projection Lambert II et séparés d’intervalles de dix mètres au plus, permettait aux riverains de connaître avec une précision suffisante la limite de leur propriété.
En ce qui concerne le détournement de procédure :
28. S’agissant d’un acte à caractère recognitif, le moyen tiré d’un prétendu détournement de procédure est inopérant.
29. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B…et M. et Mme A…ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Leurs conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte ne peuvent, dès lors, qu’être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
30. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge du département de la Loire-Atlantique, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que demandent les requérants au titre des frais exposés tant en première instance qu’en appel et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge solidaire des requérants le versement au département d’une somme au titre des frais de même nature qu’il a exposés.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B…et de M. et Mme A…est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Loire-Atlantique sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C…et JoëlleB…, M. et Mme F…et Marie-Odile A…et le département de la Loire-Atlantique.
Une copie sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l’audience du 23 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président de chambre,
Mme Brisson, président assesseur,
Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 novembre 2018.
Le rapporteur,
K. BOUGRINE
Le président,
A. PEREZLe greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
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