CAA de MARSEILLE
N° 15MA03751
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
Mme JOSSET, président
Mme Isabelle GOUGOT, rapporteur
Mme GIOCANTI, rapporteur public
BOUMAZA, avocat
lecture du jeudi 20 avril 2017
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme G… ont demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler l’arrêté du 4 mars 2013 par lequel le maire de la commune de Camps-la-Source a délivré à M. D… un permis de construire afin d’édifier quatre logements avec garage après démolition d’un abri de jardin de 4 m² sur les lots C et D d’un lotissement situé rue des Lotiers et rue de la Roquette, sur le territoire communal.
Par un jugement n° 1301091 du 24 juin 2015, le tribunal administratif de Toulon a annulé l’autorisation précitée, mais seulement en tant qu’elle prévoit l’implantation de deux places de stationnement sur la partie du lot A située en zone UC et affectée à un usage de jardin, et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 septembre 2015, le 9 février 2016 et le 25 janvier 2017, M. et Mme G…, représentés par Me B…, demandent à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 juin 2015 qui n’a pas entièrement fait droit à leur demande ;
2°) d’annuler l’arrêté précité ;
3°) de mettre à la charge solidaire de M. D… et de l’Eurl DAM Côte d’Azur une somme de 2 400 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que:
– le jugement est irrégulier au regard de l’article R. 741-2 du code de justice administrative, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article UA 10 du règlement du PLU n’ayant pas été analysé dans les visas ; le tribunal n’a pas au surplus répondu à ce moyen qui n’était pas inopérant ;
– le tribunal ne pouvait se limiter à prononcer une annulation partielle dès lors que les deux places de stationnement prévues sur le lot A étaient indivisibles des deux immeubles collectifs autorisés par le permis en litige ; en outre, le vice entachant le permis n’est plus régularisable compte tenu de la modification n° 6 apportée à l’article UA 11 du règlement du plan local d’urbanisme (PLU) approuvée le 12 décembre 2014 ; enfin, la délivrance d’une autorisation de construire au sein d’un lotissement non autorisé prive l’ensemble du permis de base légale ;
– les autres moyens de leur demande sont de nature à justifier l’annulation totale du permis contesté.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 décembre 2015 et le 6 janvier 2017, la commune de Camps-la-Source conclut à titre principal au rejet de la requête ; elle demande, à titre subsidiaire, à la Cour de surseoir à statuer sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme dans l’attente de la délivrance d’un permis de construire modificatif ; enfin, elle demande de mettre à la charge des époux G…la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
– la requête d’appel est irrecevable, faute pour les requérants de justifier avoir accompli les formalités de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme ;
– les autres moyens soulevés par les époux G…ne sont pas fondés.
La présidente de la Cour a désigné Mme Muriel Josset, présidente -assesseure de la 1ère chambre, pour présider, en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement en cas d’absence ou d’empêchement de M. Michel Pocheron, président de la 1ère chambre.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Gougot,
– les conclusions de Mme Giocanti,
– et les observations de Me A… substituant Me B…, représentant M. et Mme G…, et de Me I…, représentant la commune de Camps-la-Source.
1. Considérant que, par décision de non-opposition à déclaration préalable du 28 juin 2012, M. H… a été autorisé par le maire de la commune de Camps-la-Source à procéder à la division de ses parcelles cadastrées section B n° 265 et 266 d’une superficie totale de 512 m², situées rue des Lotiers dans le coeur du village, afin de créer quatre lots à construire ; que le 5 décembre 2012, M. D… a déposé une demande de permis de construire afin d’édifier quatre logements avec garages emportant création de 317 m² de surface de plancher sur les lots détachés C et D ; que M. et Mme G…, interjettent appel du jugement du 24 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulon a seulement annulé l’arrêté de permis de construire du 4 mars 2013, en tant qu’il prévoit l’implantation de deux places de stationnement sur la partie du lot A située en zone UC et affectée à un usage de jardin, et a rejeté le surplus de leurs demandes ;
Sur la recevabilité de la requête d’appel et de la demande de première instance:
2. Considérant que les requérants justifient avoir notifié leur requête d’appel et leur demande de première instance conformément aux prescriptions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, tant à la pétitionnaire qu’à l’auteur de la décision ; que, par suite, la commune de Camps-la-Source n’est pas fondée à soutenir que la requête d’appel et la demande de première instance seraient irrecevables sur le fondement de ces dispositions ;
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 442-1 du code de l’urbanisme alors en vigueur : » Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d’une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis. » ; que selon l’article L. 442-2 du même code : » Un décret en Conseil d’Etat précise, en fonction du nombre de terrains issus de la division, de la création de voies et d’équipements communs et de la localisation de l’opération, les cas dans lesquels la réalisation d’un lotissement doit être précédée d’un permis d’aménager. » ; que l’article L. 442-3 du même code précise que : » Les lotissements qui ne sont pas soumis à la délivrance d’un permis d’aménager doivent faire l’objet d’une déclaration préalable. » ; que l’article R. 421-19 du même code précise que : » Doivent être précédés de la délivrance d’un permis d’aménager :/ a) Les lotissements :-qui prévoient la création ou l’aménagement de voies, d’espaces ou d’équipements communs internes au lotissement… » ; qu’enfin l’article R. 421-23 du même code dispose que : » Doivent être précédés d’une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants :/a) Les lotissements autres que ceux mentionnés au a de l’article R. 421-19 … » ; qu’au nombre des dispositions dont l’autorité qui délivre le permis de construire doit, en vertu de l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme, assurer le respect figurent celles qui concernent les lotissements ; qu’il suit de là qu’un permis de construire ne peut être légalement délivré pour une construction à édifier sur un terrain compris dans un lotissement non autorisé ;
4. Considérant qu’en l’espèce, en prévoyant la réalisation sur le lot A de deux places de stationnement pour les lots C et D, le projet ne porte pas création d’un » espace commun » au sens des dispositions précitées de l’article R. 421-19 du code de l’urbanisme dès lors que le terrain supportant ces places de stationnement fait partie du lot A et que la seule jouissance d’une place de stationnement pour les autres lots B, C et D n’est pas suffisante pour caractériser un tel » espace commun » au sens des dispositions précitées ; que le moyen selon lequel le permis de construire attaqué aurait dû être précédé d’un permis d’aménager doit, par suite, être écarté ;
5. Considérant qu’il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par les époux G…tant en première instance qu’en cause d’appel ;
6. Considérant qu’aux termes de l’article UA 10 du règlement du PLU : » …2. Hauteur absolue : La différence de hauteur absolue entre deux constructions mitoyennes ou deux volumes de la même construction ne doit pas excéder un niveau. La hauteur ne doit pas être inférieure à R+1 et supérieure à 11 mètres… » ; qu’eu égard à la finalité de cette règle, qui vise à assurer une intégration harmonieuse de la construction dans son environnement, il y a lieu pour apprécier si cette règle est respectée de tenir compte du décroché de la façade mitoyenne ; qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment du plan de la façade Sud de la demande de permis de construire que la différence de hauteur absolue entre la construction projetée et le point le plus haut du décroché de la façade de la construction mitoyenne située à l’Est sur la parcelle n° 367 excède un niveau ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article UA 10 du règlement du PLU doit, par suite, être accueilli ;
7. Considérant que pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme aucun autre moyen n’est de nature, en l’état de l’instruction, à conduire à l’annulation de la décision contestée ;
Sur les conclusions de la commune de Camps-la-Source tendant à ce qu’il soit fait application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme :
8. Considérant qu’aux termes de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme : » Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. » ; que ces dispositions ont pour objet de permettre au juge administratif de surseoir à statuer sur une demande d’annulation d’un permis de construire lorsque le vice entraînant l’illégalité de ce permis est susceptible d’être régularisé ; qu’il appartient au juge administratif, pour faire usage des pouvoirs qui lui sont ainsi dévolus, d’apprécier si, eu égard à la nature et à la portée du vice entraînant son illégalité, cette régularisation est possible ; qu’en l’espèce, en l’absence de toute précision apportée sur ce point par les parties, notamment les bénéficiaires du permis, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’illégalité mentionnée au point 6 qui implique la suppression d’un étage de la construction serait susceptible d’être régularisée par un permis de construire modificatif sans remettre en cause la conception générale du projet ; que, dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions de la commune de Camps-la-Source tendant à l’application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ;
9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, les époux G…sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a seulement annulé l’arrêté de permis de construire délivré le 4 mars 2013 à M. D… et à l’Eurl DAM Côte d’Azur en tant qu’il autorise l’implantation de deux places de stationnement sur la partie du lot A située en zone UC et affectée à un usage de jardin ;
Sur les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la commune de Camps-la-Source dirigées contre les époux G…qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge M. D… et de l’Eurl DAM Côte d’Azur la somme globale de 2 000 euros à verser aux époux G…en application de ces dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1301091 du tribunal administratif de Toulon du 24 juin 2015 est annulé en tant qu’il a rejeté le surplus de la demande des époux G…tendant à l’annulation de l’arrêté du 4 mars 2013.
Article 2 : L’arrêté de permis de construire du 4 mars 2013 est annulé en totalité.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Camps-la-Source sont rejetées.
Article 4 : M. D… et l’Eurl DAM Côte d’Azur verseront la somme globale de 2 000 euros aux époux G…au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E… et JeanineG…, à M. F…D…, à l’Eurl DAM Côte d’Azur et à la commune de Camps-la-Source.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Draguignan.
Délibéré après l’audience du 6 avril 2017, où siégeaient :
– Mme Josset, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative,
– Mme C…, première conseillère,
– Mme Gougot, première conseillère.
Lu en audience publique, le 20 avril 2017.
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