Conseil d’État
N° 336664
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
1ère et 6ème sous-sections réunies
M. Christian Vigouroux, président
M. Franck Le Morvan, rapporteur
Mme Claire Landais, rapporteur public
FOUSSARD, avocat
lecture du vendredi 30 septembre 2011
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 15 février, 19 avril et 12 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Bernadette A, demeurant … ; Mme A demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt n° 09NT00172 du 15 décembre 2009 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement n° 0701216 du 21 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 250 000 euros en réparation du préjudice résultant de l’institution sur sa propriété sise à Quettehou (Manche) de la servitude de passage des piétons sur le littoral ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à ses demandes de première instance et d’appel ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que son premier protocole additionnel ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Franck Le Morvan, chargé des fonctions de Maître des requêtes,
– les observations de Me Foussard, avocat de Mme A,
– les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de Mme A ;
Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que l’arrêt attaqué ne comporterait pas les signatures du président, du rapporteur et du greffier de séance, en contradiction avec les dispositions de l’article R. 741-7 du code de justice administrative, manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 160-6 du code de l’urbanisme : Les propriétés privées riveraines du domaine public maritime sont grevées sur une bande de trois mètres de largeur d’une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des piétons. (….) ; qu’aux termes de l’article L. 160-7 du même code : La servitude instituée par l’article L. 160-6 n’ouvre un droit à indemnité que s’il en résulte pour le propriétaire un dommage direct, matériel et certain. / La demande d’indemnité doit, à peine de forclusion, parvenir à l’autorité compétente dans le délai de six mois à compter de la date où le dommage a été causé. / L’indemnité est fixée soit à l’amiable, soit, en cas de désaccord, dans les conditions définies au deuxième alinéa de l’article L. 160-5. / Le montant de l’indemnité de privation de jouissance est calculé compte tenu de l’utilisation habituelle antérieure du terrain. ; qu’aux termes de l’article L. 160-8 du même code : Un décret en Conseil d’Etat précise les conditions d’application des articles L. 160-6 et L. 160-7 et fixe la date de leur entrée en vigueur (…) ; qu’aux termes de l’article R. 160-24 du même code : Le maire ou, à défaut, le préfet, prend toute mesure de signalisation nécessaire en vue de préciser l’emplacement de la servitude de passage ; qu’aux termes de l’article R. 160-25 du même code : La servitude entraîne pour les propriétaires des terrains et leurs ayants droit : / a) L’obligation de laisser aux piétons le droit de passage ; / b) L’obligation de n’apporter à l’état des lieux aucune modification de nature à faire, même provisoirement, obstacle au libre passage des piétons, sauf autorisation préalable accordée par le préfet, pour une durée de six mois au maximum ; / c) L’obligation de laisser l’administration compétente établir la signalisation prévue à l’article R. 160-24 et effectuer les travaux nécessaires pour assurer le libre passage et la sécurité des piétons, sous réserve d’un préavis de quinze jours sauf cas d’urgence ; qu’aux termes de l’article R. 160-29 du même code : La demande tendant à l’octroi d’une indemnité doit être adressée au préfet par lettre recommandée avec demande d’avis de réception postal ou être déposée contre décharge à la préfecture. / La demande doit comprendre : / a) tout document attestant que le demandeur est propriétaire du terrain grevé par la servitude ; / b) toutes précisions justifiant l’étendue du préjudice causé par la servitude ; / c) le montant de l’indemnité sollicitée ;
Considérant que le point de départ du délai de six mois prescrit à peine de forclusion par l’article L. 160-7 doit être fixé au plus tard à la date à laquelle les travaux destinés à matérialiser la servitude ont été achevés sur la parcelle qui en est grevée ; que la cour administrative d’appel de Nantes n’a pas commis d’erreur de droit en ne recherchant pas si les préjudices que Mme A alléguait avoir subis du fait de l’institution de la servitude avaient été effectivement révélés à cette date ; que le moyen tiré de ce que l’article L. 160-7 serait contraire à 1’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est nouveau en cassation et doit, en tout état de cause, être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que la cour, en jugeant que la réclamation de Mme A avait été présentée au préfet de la Manche plus de six mois après l’achèvement des travaux destinés à matérialiser la servitude sur sa propriété, n’a ni dénaturé les faits et les pièces du dossier, ni entaché sa décision d’une insuffisance de motivation ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de Mme A doivent être rejetées, y compris celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme A est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Bernadette A et à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.