Conseil d’État
N° 390891
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème – 1ère chambres réunies
M. Jean-Philippe Mochon, rapporteur
M. Xavier De Lesquen, rapporteur public
lecture du mercredi 6 juillet 2016
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés le 9 juin 2015 et le 10 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A…B…demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 16 janvier 1998 portant classement parmi les sites du département de la Martinique de la presqu’île de la Caravelle sur le territoire de la commune de La Trinité ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– le code de l’environnement ;
– la loi du 2 mai 1930 ayant pour objet d’organiser la protection des monuments naturels et de sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque ;
– le décret n° 69-607 du 13 juin 1969 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d’Etat,
– les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
1. Considérant que M. B…demande l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 16 janvier 1998 portant classement parmi les sites du département de la Martinique de la presqu’île de la Caravelle, sur le territoire de la commune de La Trinité ;
2. Considérant, d’une part, que le décret attaqué a été pris sur le fondement de l’article 5 de la loi du 2 mai 1930, alors applicable, dont la substance a été reprise à l’article L. 341-2 du code de l’environnement, aux termes duquel : » Les monuments naturels et les sites inscrits ou non peuvent être classés dans les conditions et selon les distinctions établies par les articles ci-après. (…) » ; qu’en vertu des dispositions de l’article 6 du décret du 13 juin 1969 portant application des articles 4 et 5-1 de cette loi, alors en vigueur, aujourd’hui reprises à l’article R. 341-6 du code de l’environnement, les décisions de classement font l’objet d’une publication au Journal officiel de la République Française ; que l’article 7 du même décret, aujourd’hui repris à l’article R. 341-7 du code de l’environnement, dispose que ces décisions sont notifiées aux propriétaires intéressés lorsqu’elles comportent des prescriptions particulières tendant à modifier l’état ou l’utilisation des lieux ;
3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : » Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. » ;
4. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, en dehors du cas mentionné à l’article 7 du décret du 13 juin 1969 dans lequel ces décisions comportent des prescriptions particulières tendant à modifier l’état ou l’utilisation des lieux et doivent en conséquence être notifiées aux propriétaires intéressés, le délai de recours contentieux contre les décisions de classement d’un site court à compter de la publication de la décision de classement au Journal officiel ; que, si cette décision est publiée par voie d’extrait, ainsi qu’il est loisible à l’administration de le faire, il appartient à celle-ci d’indiquer les modalités selon lesquelles il peut être pris connaissance de son texte intégral et des pièces qui y sont annexées ; que le délai de recours court, en pareil cas, à compter de la date à laquelle il peut être pris connaissance du texte intégral ;
5. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier, et qu’il n’est au demeurant pas contesté, que le décret attaqué ne comportait aucune prescription particulière pour le requérant tendant à modifier l’état ou l’utilisation des lieux au sens de l’article 7 du décret du 13 juin 1969 ; que, par suite, le délai de recours a pu courir à l’égard de M. B…alors même que le décret ne lui était pas notifié ;
6. Considérant, en second lieu, qu’un extrait du décret attaqué a été publié au Journal officiel du 24 mars 1998, avec l’indication que le texte complet ainsi que les plans annexés pouvaient être consultés à la préfecture de la Martinique et à la mairie de la commune de La Trinité, où se situe le site de la presqu’île de la Caravelle ; qu’il n’est pas soutenu que ces documents n’auraient pas été déposés en mairie ou en préfecture ; que la circonstance qu’ils n’auraient pas fait l’objet d’une publication au fichier immobilier est sans incidence sur le point de départ du délai de recours contentieux ; que, par suite, le requérant n’est pas fondé à soutenir que la publication du décret attaqué aurait été incomplète ou irrégulière et, par suite, insusceptible de faire courir le délai de recours contentieux ;
7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la requête de M.B…, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 9 juin 2015, soit plus de dix-sept ans après la publication de la décision attaquée, a été présentée tardivement et n’est, par suite, pas recevable ; que, sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens soulevés, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
————–
Article 1er : La requête de M. B…est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M.B…, au Premier ministre et à la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.