Conseil d’État
N° 330734
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Martin, président
M. Raphaël Chambon, rapporteur
M. Guyomar Mattias, commissaire du gouvernement
SCP ANCEL, COUTURIER-HELLER, avocats
lecture du mercredi 15 septembre 2010
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le mémoire, enregistré le 16 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présenté par M. Joël A, demeurant …, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. A demande au Conseil d’Etat, à l’appui de sa requête tendant à l’annulation du décret du 10 juin 2009 déclarant d’utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation entre les communes de Saint-Avertin et de Xambes, du tronçon Tours-Angoulême de la ligne ferroviaire à grande vitesse Sud Europe Atlantique et emportant mise en compatibilité des documents d’urbanisme des communes de Saint-Avertin, Veigné, Montbazon, Monts, Sorigny, Villeperdue, Sainte-Catherine-de-Fierbois, Sepmes, Draché, La Celle-Saint-Avant, Nouâtre et Antogny-Le-Tillac dans le département d’Indre-et-Loire, des communes de Saint-Gervais-Les-Trois-Clochers, Saint-Genest-d’Ambière, Thuré, Scorbé-Clairvaux, Colombiers, Marigny-Brizay, Jaunay-Clan, Chasseneuil-du-Poitou, Migné-Auxances, Poitiers, Biard, Vouneuil-sous-Biard, Fontaine-Le-Comte, Ligujé, Coulombiers, Marigny-Chemereau, Celle-Lévescault, Payré et Chaunay, dans le département de la Vienne, de la commune de Sauzé-Vaussais dans le département des Deux-Sèvres, de la commune de Villefagan dans le département de la Charente et du schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme du Seuil-du-Poitou, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 11-2 et L. 11-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et de l’article L. 123-16 du code de l’urbanisme ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, notamment ses articles L. 11-2 et L. 11-4 ;
Vu le code de l’urbanisme, notamment son article L. 123-16 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Raphaël Chambon, Auditeur,
– les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de Réseau Ferré de France,
– les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de Réseau Ferré de France ;
Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) ; qu’il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu’elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant que M. A soutient que les dispositions de l’article L. 11-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et de l’article L. 11-4 du même code, qui renvoient aux dispositions de l’article L. 123-16 du code de l’urbanisme, méconnaissent les articles 1er et 72 de la Constitution ainsi que l’article 7 de la Charte de l’environnement, en ce qu’il en résulte qu’une déclaration d’utilité publique, acte pris par une autorité de l’Etat, qui n’est pas compatible avec les dispositions d’un plan local d’urbanisme arrêté par une commune ou un établissement public de coopération intercommunale, emporte mise en compatibilité de ce plan ;
Considérant, en premier lieu, que le principe, énoncé à l’article 1er de la Constitution, selon lequel l’organisation de la République est décentralisée n’est pas au nombre, au sens et pour l’application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, des droits et libertés garantis par la Constitution ;
Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions litigieuses n’ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte au droit de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement, garanti par l’article 7 de la Charte de l’environnement et qui s’exerce, en vertu de l’article 7 de la Charte lui-même, dans les conditions et les limites définies par la loi ;
Considérant, en troisième lieu, que si, en vertu de l’article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus , le même article précise qu’elles le font dans les conditions prévues par la loi ; que les dispositions litigieuses, qui donnent aux autorités compétentes de l’Etat le pouvoir de modifier les documents d’urbanisme locaux pour permettre, malgré l’opposition d’une commune ou d’un établissement public de coopération communale, l’exécution d’une opération revêtant un caractère d’utilité publique, ne portent pas à la libre administration des collectivités territoriales une atteinte qui excèderait la réalisation de l’objectif d’intérêt général poursuivi par cette opération déclarée d’utilité publique ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les questions de constitutionnalité soulevées, qui ne sont pas nouvelles, ne présentent pas un caractère sérieux ; que par suite, sans qu’il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions des articles L. 11-2 et L. 11-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et de l’article L. 123-16 du code de l’urbanisme portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Joël A, au ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, au Premier ministre et à Réseau ferré de France.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.
Abstrats : 34-01-03-01 EXPROPRIATION POUR CAUSE D’UTILITÉ PUBLIQUE. NOTIONS GÉNÉRALES. EXPROPRIATION ET AUTRES LÉGISLATIONS. LÉGISLATION DE L’URBANISME. – MISE EN COMPATIBILITÉ AUTOMATIQUE DU PLAN LOCAL D’URBANISME AVEC UNE DÉCLARATION D’UTILITÉ PUBLIQUE PRISE PAR L’ETAT (ART. L. 11-2 ET L. 11-4 DU CODE DE L’EXPROPRIATION RENVOYANT À L’ARTICLE L. 123-16 DU CODE DE L’URBANISME) – QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ – LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES (ART. 72 DE LA CONSTITUTION) – QUESTION QUI N’EST PAS NOUVELLE ET NE PRÉSENTE PAS UN CARACTÈRE SÉRIEUX.
54-07-01 PROCÉDURE. POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE. QUESTIONS GÉNÉRALES. – QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ – RENVOI AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL – QUESTION NOUVELLE OU SÉRIEUSE – CONDITION NON REMPLIE – MISE EN COMPATIBILITÉ AUTOMATIQUE DU PLAN LOCAL D’URBANISME AVEC UNE DÉCLARATION D’UTILITÉ PUBLIQUE PRISE PAR L’ETAT (ART. L. 11-2 ET L. 11-4 DU CODE DE L’EXPROPRIATION RENVOYANT À L’ARTICLE L. 123-16 DU CODE DE L’URBANISME) – LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES (ART. 72 DE LA CONSTITUTION).
68-01-01-01-02-03 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. PLANS D’AMÉNAGEMENT ET D’URBANISME. PLANS D’OCCUPATION DES SOLS ET PLANS LOCAUX D’URBANISME. LÉGALITÉ DES PLANS. MODIFICATION ET RÉVISION DES PLANS. MODIFICATION DU PLAN PAR UNE DÉCLARATION D’UTILITÉ PUBLIQUE. – MISE EN COMPATIBILITÉ AUTOMATIQUE DU PLAN LOCAL D’URBANISME AVEC UNE DÉCLARATION D’UTILITÉ PUBLIQUE PRISE PAR L’ETAT (ART. L. 11-2 ET L. 11-4 DU CODE DE L’EXPROPRIATION RENVOYANT À L’ARTICLE L. 123-16 DU CODE DE L’URBANISME) – QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ – LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES (ART. 72 DE LA CONSTITUTION) – QUESTION QUI N’EST PAS NOUVELLE ET NE PRÉSENTE PAS UN CARACTÈRE SÉRIEUX.
Résumé : 34-01-03-01 Il résulte des dispositions des articles L. 11-2 et L. 11-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qui renvoient à l’article L. 123-16 du code de l’urbanisme, que l’acte déclaratif d’utilité publique pris par l’Etat emporte mise en compatibilité du plan local d’urbanisme d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui n’est pas compatible avec cet acte. Question prioritaire de constitutionnalité soulevée à l’encontre de ces dispositions. Si ces dispositions permettent à l’Etat de modifier les documents d’urbanisme locaux en dépit de l’opposition d’une commune ou d’un EPCI, elles ne portent pas à la libre administration des collectivités territoriales garantie par l’article 72 de la Constitution, laquelle s’exerce dans les conditions prévues par la loi, une atteinte excessive au regard de la réalisation de l’objectif d’intérêt général poursuivi par l’opération déclarée d’utilité publique. Question qui n’est pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux.
54-07-01 Il résulte des dispositions des articles L. 11-2 et L. 11-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qui renvoient à l’article L. 123-16 du code de l’urbanisme, que l’acte déclaratif d’utilité publique pris par l’Etat emporte mise en compatibilité du plan local d’urbanisme d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui n’est pas compatible avec cet acte. Question prioritaire de constitutionnalité soulevée à l’encontre de ces dispositions. Si ces dispositions permettent à l’Etat de modifier les documents d’urbanisme locaux en dépit de l’opposition d’une commune ou d’un EPCI, elles ne portent pas à la libre administration des collectivités territoriales garantie par l’article 72 de la Constitution, laquelle s’exerce dans les conditions prévues par la loi, une atteinte excessive au regard de la réalisation de l’objectif d’intérêt général poursuivi par l’opération déclarée d’utilité publique. Question qui n’est pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux.
68-01-01-01-02-03 Il résulte des dispositions des articles L. 11-2 et L. 11-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qui renvoient à l’article L. 123-16 du code de l’urbanisme, que l’acte déclaratif d’utilité publique pris par l’Etat emporte mise en compatibilité du plan local d’urbanisme d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui n’est pas compatible avec cet acte. Question prioritaire de constitutionnalité soulevée à l’encontre de ces dispositions. Si ces dispositions permettent à l’Etat de modifier les documents d’urbanisme locaux en dépit de l’opposition d’une commune ou d’un EPCI, elles ne portent pas à la libre administration des collectivités territoriales garantie par l’article 72 de la Constitution, laquelle s’exerce dans les conditions prévues par la loi, une atteinte excessive au regard de la réalisation de l’objectif d’intérêt général poursuivi par l’opération déclarée d’utilité publique. Question qui n’est pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux.