Conseil d’État
N° 354804
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème / 1ère SSR
M. Didier Ribes, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; BROUCHOT ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats
lecture du mercredi 21 mai 2014
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 décembre 2011 et 13 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentés pour la communauté d’agglomération de Montpellier, dont le siège est 30, place Zeus à Montpellier (34961), représentée par son président ; la communauté d’agglomération de Montpellier demande au Conseil d’État :
1°) d’annuler l’arrêt n° 09MA04469 du 10 octobre 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement n° 0703708 du 22 septembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé l’arrêté du 2 juillet 2007 par lequel le préfet de l’Hérault a déclaré d’utilité publique la constitution par la communauté d’agglomération de Montpellier d’une réserve foncière au lieu-dit » Truc de Leuze » à Montpellier et déclaré cessibles à son profit les parcelles désignées à l’état parcellaire annexé ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l’indivisionO…, S…E…, veuveF…, de Mme H…F…, épouseL…, de M. K…B…, de M. J…I…, de Mme N…I…, de Mme Q…C…, épouseD…, de M. R…D…, de M. G…O…et de M. A…M…la somme de 4 000 euros au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,
– les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la communauté d’agglomération de Montpellier, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de Mme E…veuveF…, de Mme F…veuveL…, de M.B…, de M. I…, de Mme I…épouseP…, de Mme C…épouseD…, de M. D…et de M. O…et à Me Brouchot, avocat de M.M… ;
1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le préfet de l’Hérault, par un arrêté du 2 juillet 2007, a déclaré d’utilité publique la constitution par la communauté d’agglomération de Montpellier d’une réserve foncière au lieu-dit » Truc de Leuze » à Montpellier et a déclaré cessibles à son profit les parcelles désignées à l’état parcellaire annexé à cet arrêté ; que, par un jugement du 22 septembre 2009, le tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de l’indivision O…et autres, cet arrêté ; que, par un arrêt du 10 octobre 2011 contre lequel la communauté d’agglomération de Montpellier se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 221-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : » L’État, les collectivités locales, ou leurs groupements y ayant vocation, les syndicats mixtes et les établissements publics mentionnés aux articles L. 321-1 et L. 324-1 sont habilités à acquérir des immeubles, au besoin par voie d’expropriation, pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation d’une action ou d’une opération d’aménagement répondant aux objets définis à l’article L. 300-1 » ; que l’article L. 300-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : » Les actions ou opérations d’aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l’habitat, d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l’insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L’aménagement, au sens du présent code, désigne l’ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d’une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l’alinéa précédent et, d’autre part, à assurer l’harmonisation de ces actions ou de ces opérations » ; qu’il résulte de ces dispositions que les personnes publiques concernées peuvent légalement acquérir des immeubles par voie d’expropriation pour constituer des réserves foncières, d’une part, si elles justifient, à la date à laquelle la procédure de déclaration d’utilité publique est engagée, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date, et, d’autre part, si le dossier d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique fait apparaître la nature du projet envisagé, conformément aux dispositions du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;
3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la procédure d’expropriation concernait un ensemble de terrains en friches non équipés et non viabilisés, d’une superficie inférieure à 4 hectares, situés dans une zone destinée principalement, selon le règlement du plan local d’urbanisme de la commune de Montpellier, à l’implantation d’activités ; qu’au titre de sa compétence en matière de développement économique, la communauté d’agglomération de Montpellier a créé dans cette zone en 2000 un parc d’activités dit » Parc 2000 « , sous la forme d’une zone d’aménagement concerté, puis a procédé en 2006 à l’extension de ce parc d’activités en créant une deuxième zone d’aménagement concerté ; que la notice explicative jointe aux dossiers d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique et d’enquête parcellaire indiquait que la communauté d’agglomération de Montpellier avait pour projet, en application des dispositions de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, de réserver les terrains en cause pour garantir la réalisation d’un aménagement conforme à la vocation de la zone définie par le plan local d’urbanisme, correspondant à l’extension du parc d’activités » Parc 2000 » ; que la notice explicative précisait également que l’aménagement de cette zone à vocation principale d’activités serait réalisé dans le cadre du développement économique de l’agglomération, après définition d’un schéma d’aménagement d’ensemble qui viserait notamment la structuration urbaine des abords de l’avenue Pablo Neruda et pourrait, en outre, accueillir des équipements publics et privés, ainsi que des programmes de logements, en particulier dans sa partie sud qui devrait être directement desservie par la troisième ligne de tramway ; qu’il résulte de ce qui précède qu’en jugeant que la communauté d’agglomération de Montpellier ne justifiait pas poursuivre une action ou une opération d’aménagement au sens des articles L. 221-1 et L. 300-1 du code de l’urbanisme, la cour a inexactement qualifié les faits de l’espèce ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
4. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de laisser la contribution pour l’aide juridique à la charge de la communauté d’agglomération de Montpellier ;
5. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la communauté d’agglomération de Montpellier, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’indivision O…et autres la somme de 3 000 euros et à la charge de M. M…la somme de 500 euros à verser à la communauté d’agglomération de Montpellier au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 10 octobre 2011 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Marseille.
Article 3 : La contribution pour l’aide juridique est laissée à la charge de la communauté d’agglomération de Montpellier.
Article 4 : L’indivision O…et autres verseront à la communauté d’agglomération de Montpellier une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : M. M…versera à la communauté d’agglomération de Montpellier une somme de 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions présentées par M. M…et par l’indivision O…et autres au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la communauté d’agglomération de Montpellier, à l’indivisionO…, premier défendeur dénommé, et à M. A…M…. Les autres défendeurs seront informés de la présente décision par la SCP Peignot Garreau Bauer-Violas, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d’État.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l’intérieur.