Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 24 mars 2016
N° de pourvoi: 15-10215
Publié au bulletin Cassation partielle
M. Chauvin (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis :
Vu l’article L. 211-4 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable à la cause ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 octobre 2014), que, suivant acte dressé par M. X…, notaire, les consorts Y…ont vendu à M. Stéphane Z…et Mmes Dominique et Virginie Z…(les consorts Z…) divers lots dépendant d’un immeuble à usage d’habitation ; que la commune de Gourdon (la commune) a poursuivi la nullité de cette vente au motif que les biens vendus avaient été inclus dans le périmètre de son droit de préemption urbain et qu’il n’avait pas été établi de déclaration d’intention d’aliéner ; que le notaire a été appelé à l’instance ;
Attendu que, pour accueillir les demandes en nullité de la vente et en dommages-intérêts, l’arrêt retient que seul l’état descriptif de division a été publié au fichier immobilier et que l’immeuble n’a jamais fait l’objet d’un règlement de copropriété de sorte que, si les lots litigieux sont compris dans un immeuble soumis au régime de la copropriété au jour du projet d’aliénation, aucun règlement n’a été publié depuis dix ans au moins et que les conditions de l’exemption ne sont pas réunies ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que l’immeuble avait fait l’objet d’un état descriptif de division publié au fichier immobilier depuis plus de dix ans à la date de l’aliénation des lots de copropriété, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il met hors de cause M. Charles Z…et Mme Liliane A…, l’arrêt rendu le 23 octobre 2014, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie, sur le surplus, devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la commune de Gourdon aux dépens des pourvois ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la commune de Gourdon à payer la somme globale de 3 000 euros à M. Stéphane Z…et Mmes Dominique et Virginie Z…; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. Stéphane Z…et Mmes Dominique et Virginie Z….
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir prononcé la nullité de la vente consentie le 24 octobre 2006 par les consorts Y…aux consorts Z…sur une maison à usage d’habitation située sur le territoire de la commune de GOURDON.
Aux motifs que « aux termes de l’article L. 211-4 a) du code de l’urbanisme le droit de préemption urbain n’est pas applicable à l’aliénation d’un ou plusieurs lots constitués soit par un seul local à usage d’habitation, à usage professionnel ou à usage professionnel ou d’habitation, soit par un tel local et ses locaux accessoires, soit par un ou plusieurs locaux accessoires d’un tel local, compris dans un bâtiment effectivement soumis, à la date du projet d’aliénation, au régime de la copropriété, soit à la suite d’un partage total ou partiel d’une société d’attribution, soit depuis dix années au moins dans le cas où la mise en copropriété ne résulte pas d’un tel partage, la date de publication du règlement de copropriété au fichier immobilier constituant le point de départ de ce délai ; en application de ce texte pour être exclus du droit de préemption urbain les locaux faisant l’objet d’un projet de vente doivent dépendre, à la date du projet d’aliénation, d’un immeuble soumis au statut de la copropriété et le règlement de copropriété doit avoir été publié au bureau des hypothèques depuis au moins dix ans, quand bien même il serait établi que la copropriété existe depuis plus de dix ans ; dans le cas présent suivant délibération du conseil municipal de la commune de Gourdon, il a été institué un DPU, sur une partie du village, à l’entrée, lieu-dit « le village » située en zone UA du POS, pour les parcelles cadastrées section B n° 1397, 1398, 1399, 1400, 1401, 1402, 1403, 1404, 1424 et 1989 ; les lots 1, 2 et 4 faisant l’objet de la vente intervenue le 24 octobre 2006 dépendent d’une maison d’habitation cadastrée commune de Gourdon, section B n° 1401 et 1402, qui a fait l’objet d’une division par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part indéterminée des parties communes entre plusieurs personnes, suivant état descriptif de division dressé le 9 avril 1964 publié au fichier immobilier le 19 mai 1964, soit antérieurement à la promulgation de la loi du 10 juillet 1965 ; si la loi du 10 juillet 1965 s’applique de plein droit à compter de son entrée en vigueur à cet immeuble dès lors qu’il relève de son régime, seul un état descriptif de division a été publié au bureau des hypothèques, l’immeuble n’ayant jamais fait l’objet d’un règlement de copropriété ; or le règlement de copropriété et l’état descriptif de division constituent deux documents distincts, le premier ayant pour objet de définir le régime statutaire de la copropriété tandis que le second se borne à identifier chaque fraction de l’immeuble divisé en lots, avec mention de la quote-part des parties communes correspondantes ; dès lors, si les lots litigieux sont effectivement compris dans un bâtiment qui était soumis au régime de la copropriété à la date du projet d’aliénation, aucun règlement de copropriété n’avait été publié depuis dix ans au moins, de sorte que les conditions d’exclusion prévues à l’article L. 211-4 qui sont claires, précises et insusceptibles d’interprétation, ne sont pas réunies ; par ailleurs les intimés ne sauraient utilement soutenir que la commune de Gourdon ne pouvait ignorer que les lots 1, 2 et 4 dépendaient d’un bâtiment soumis au régime de la copropriété puisqu’elle est d’ores et déjà propriétaire de lots dans ce même bâtiment, cette circonstance n’étant pas de nature à suppléer à l’absence de l’une des conditions édictées à l’article L. 211-4 ; en conséquence, le jugement sera infirmé et par application de l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme selon lequel toute aliénation d’un bien soumis au droit de préemption est subordonnée à peine de nullité à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se situe le bien la vente du 24 octobre 2006, sera annulée » (p. 5 et p. 6, al. 1 à 3).
Alors que le droit de préemption urbain n’est pas applicable à l’aliénation d’un immeuble à usage d’habitation soumis, à la date de l’aliénation, au statut de la copropriété depuis plus de dix ans, le point de départ de ce délai étant la date de publication, au fichier immobilier, du règlement de copropriété ou, à défaut d’un tel règlement, de l’état descriptif de division des lots ; qu’ayant constaté que l’immeuble acquis par les consorts Z…avait fait l’objet d’un état descriptif de division dressé le 9 avril 1964 publié au fichier immobilier le 19 mai 1964 soit depuis plus de dix ans à la date de l’aliénation de l’immeuble, mais retenu néanmoins que la commune serait toujours titulaire de son droit de préemption urbain, la cour n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l’article L. 211-4 du code de l’urbanisme. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. X….
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR prononcé la nullité de la vente consentie le 24 octobre 2006 par les consorts Y…aux consorts Z…sur une maison à usage d’habitation située sur le territoire de la commune de Gourdon, d’AVOIR en conséquence condamné M. X… à payer aux consorts Y…la somme de 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts, et d’AVOIR débouté M. X… de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive dirigée contre la commune de Gourdon ;
AUX MOTIFS QU’aux termes de l’article L. 211-4 a) du Code de l’urbanisme le droit de préemption urbain n’est pas applicable à l’aliénation d’un ou plusieurs lots constitués soit par un seul local à usage d’habitation, à usage professionnel ou à usage professionnel ou d’habitation, soit par un tel local et ses locaux accessoires, soit par un ou plusieurs locaux accessoires d’un tel local, compris dans un bâtiment effectivement soumis, à la date du projet d’aliénation, au régime de la copropriété, soit à la suite d’un partage total ou partiel d’une société d’attribution, soit depuis dix années au moins dans le cas où la mise en copropriété ne résulte pas d’un tel partage, la date de publication du règlement de copropriété au fichier immobilier constituant le point de départ de ce délai ; en application de ce texte pour être exclus du droit de préemption urbain les locaux faisant l’objet d’un projet de vente doivent dépendre, à la date du projet d’aliénation, d’un immeuble soumis au statut de la copropriété et le règlement de copropriété doit avoir été publié au bureau des hypothèques depuis au moins dix ans, quand bien même il serait établi que la copropriété existe depuis plus de dix ans ; dans le cas présent suivant délibération du conseil municipal de la commune de Gourdon, il a été institué un DPU, sur une partie du village, à l’entrée, lieu-dit « le village » située en zone UA du POS, pour les parcelles cadastrées section B n° 1397, 1398, 1399, 1400, 1401, 1402, 1403, 1404, 1424 et 1989 ; les lots 1, 2 et 4 faisant l’objet de la vente intervenue le 24 octobre 2006 dépendent d’une maison d’habitation cadastrée commune de Gourdon, section B n° 1401 et 1402, qui a fait l’objet d’une division par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part indéterminée des parties communes entre plusieurs personnes, suivant état descriptif de division dressé le 9 avril 1964 publié au fichier immobilier le 19 mai 1964, soit antérieurement à la promulgation de la loi du 10 juillet 1965 ; si la loi du 10 juillet 1965 s’applique de plein droit à compter de son entrée en vigueur à cet immeuble dès lors qu’il relève de son régime, seul un état descriptif de division a été publié au bureau des hypothèques, l’immeuble n’ayant jamais fait l’objet d’un règlement de copropriété ; or le règlement de copropriété et l’état descriptif de division constituent deux documents distincts, le premier ayant pour objet de définir le régime statutaire de la copropriété tandis que le second se borne à identifier chaque fraction de l’immeuble divisé en lots, avec mention de la quote-part des parties communes correspondantes ; dès lors, si les lots litigieux sont effectivement compris dans un bâtiment qui était soumis au régime de la copropriété à la date du projet d’aliénation, aucun règlement de copropriété n’avait été publié depuis dix ans au moins, de sorte que les conditions d’exclusion prévues à l’article L. 211-4 qui sont claires, précises et insusceptibles d’interprétation, ne sont pas réunies ; par ailleurs les intimés ne sauraient utilement soutenir que la commune de Gourdon ne pouvait ignorer que les lots 1, 2 et 4 dépendaient d’un bâtiment soumis au régime de la copropriété puisqu’elle est d’ores et déjà propriétaire de lots dans ce même bâtiment, cette circonstance n’étant pas de nature à suppléer à l’absence de l’une des conditions édictées à l’article L. 211-4 ; en conséquence, le jugement sera infirmé et par application de l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme selon lequel toute aliénation d’un bien soumis au droit de préemption est subordonnée à peine de nullité à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se situe le bien la vente du 24 octobre 2006, sera annulée ;
ET QU’en sa qualité de professionnel du droit, le notaire est tenu d’assurer l’efficacité des actes à la rédaction desquels il prête son concours ; qu’il doit vérifier la situation du bien faisant l’objet du contrat, notamment au regard de la législation sur l’urbanisme ; qu’il est tenu de respecter le droit positif et dans le doute, doit s’informer et se documenter et a l’obligation d’avertir les parties à l’acte des risques encourus en cas d’incertitude juridique ; que dans l’acte de vente du 24 octobre 2006, Maître X… a inséré la clause suivante dans le paragraphe relatif au droit de préemption urbain ; « Les biens vendus ne sont pas soumis au droit de préemption urbain prévu aux articles L. 211-1 et L. 213-1 du Code de l’urbanisme. La présente vente est en effet une vente portant sur des biens remplissant les conditions d’exclusion visés à l’article L. 211-4 du Code de l’urbanisme :- les locaux vendus et éventuellement locaux accessoires constituent un local à usage d’habitation ou à usage professionnel ou encore à usage mixte (habitation et professionnel) dans un ensemble immobilier effectivement soumis au régime de la copropriété depuis plus de dix ans,- en outre, ces locaux ne sont pas situés à l’intérieur d’un secteur dans lequel un droit de préemption à l’aliénation des fractions d’immeubles a été institué en application de l’article L. 211-4 du Code de l’urbanisme » ; que cette clause est erronée puisque si l’immeuble est soumis au régime de la copropriété, le notaire n’a pas vérifié que le règlement de copropriété avait bien été publié depuis dix ans au moins comme l’exige l’article L. 211-4 du Code de l’urbanisme ; qu’en outre, suivant délibération du 20 février 2002, le conseil municipal de la commune de Gourdon avait approuvé l’institution d’un DPU sur diverses parcelles et notamment celles cadastrées section B n° 1401 et 1402 dont dépendant les lots faisant l’objet de la vente du 24 octobre 2006 ; qu’en omettant d’accomplir une formalité qui lui incombait et notamment en omettant de notifier une déclaration d’intention d’aliéner ou d’accomplir toute démarche utile pour s’assurer qu’une telle formalité n’était pas indispensable, le notaire a manqué à son devoir et n’a pas assuré l’efficacité de l’acte qu’il a instrumenté ; qu’il a de ce fait engager sa responsabilité à l’égard des consorts Y…puisqu’il est prononcé la nullité de la vente ; que le manquement du notaire a contraint les consorts Y…à subir les soucis, tracas et frais de la présente procédure ; qu’en outre il supportent un préjudice moral évident puisqu’ils vivent dans la crainte de devoir restituer une partie du prix perçu dans l’hypothèse où la commune offrirait un moindre prix et qu’il y aurait lieu à arbitrage judiciaire ; qu’à cet titre le notaire sera condamné à leur payer une somme de 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
ALORS QUE le droit de préemption urbain n’est pas applicable à l’aliénation d’un lot à usage d’habitation compris dans un bâtiment soumis, à la date du projet d’aliénation, au régime de la copropriété depuis dix années au moins, la date de publication du règlement de copropriété, ou à défaut d’un tel règlement, de l’état descriptif de division des lots, constituant le point de départ de ce délai ; qu’en affirmant que les lots vendus n’étaient pas exclus du droit de préemption urbain de la commune faute de publication du règlement de copropriété depuis dix ans au moins, bien qu’elle ait relevé que l’immeuble en cause avait fait l’objet d’un état descriptif de division publié au fichier immobilier le 19 mai 1964, ce dont il résultait qu’il était soumis au régime de la copropriété depuis plus de dix ans, la Cour d’appel a violé l’article L. 211-4 du Code de l’urbanisme.