CAA de MARSEILLE
N° 14MA01656
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre – formation à 3
M. LASCAR, président
M. René CHANON, rapporteur
M. DELIANCOURT, rapporteur public
POLETTI, avocat
lecture du mardi 13 octobre 2015
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de la Corse-du-Sud a saisi le tribunal administratif de Bastia d’un procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 26 avril 2013 à l’encontre de la SAS Hôtel Casadelmar à raison de l’occupation sans titre du domaine public maritime sur le territoire de la commune de Porto-Vecchio, lieu dit Pascialella.
Par un jugement n° 1300400 du 28 mars 2014, le tribunal administratif de Bastia a relaxé la SAS Hôtel Casadelmar des fins de la poursuite en ce qui concerne l’implantation de deux brise-lames et des équipements dont l’installation a été régularisée par une autorisation d’occupation temporaire délivrée le 28 juin 2013 et condamné la société au paiement d’une amende de 1 000 euros ainsi qu’à remettre les lieux en leur état initial sous peine, passé un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, d’une astreinte de 200 euros par jour de retard, l’administration pouvant procéder d’office à cette remise en état aux frais de la contrevenante en cas d’inexécution, dans le même délai.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 avril 2014, la SAS Hôtel Casadelmar, représentée par MeA…, demande à la Cour :
1°) de réformer partiellement ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 28 mars 2014 en tant qu’il porte condamnation à la remise en l’état des lieux pour une surface de 270 m² ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 400 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– l’action domaniale s’entend à la date de la contravention de grande voirie et non à la date du jugement de sorte qu’il appartenait au tribunal de n’ordonner la démolition que des seuls ouvrages qui n’avaient pas fait l’objet d’une autorisation pour l’année 2013, qu’il lui incombait de préciser ;
– rien n’établissait en première instance que les ouvrages n’avaient pas été démontés au 31 décembre 2013, date d’échéance de l’autorisation, aucun débat contradictoire n’ayant eu lieu sur ce point.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2014, le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SAS Hôtel Casadelmar ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général de la propriété des personnes publiques ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Chanon, premier conseiller,
– et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public.
1. Considérant que la SAS Hôtel Casadelmar était titulaire au titre de l’année 2012 d’une autorisation d’occupation du domaine public maritime, sur la plage de Ziglione, lieu-dit Pascialella sur le territoire de la commune de Porto-Vecchio, pour une surface totale de 209 m², portant sur une zone de cheminement avec escaliers et un appontement ; qu’à la suite d’un constat d’état des lieux du 9 avril 2013, un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé par un agent assermenté de la préfecture de la Corse-du-Sud, le 26 avril 2013, à l’encontre de la SAS Hôtel Casadelmar ; que ce procès-verbal est relatif, d’une part, à l’occupation sans autorisation du domaine public maritime sur une superficie d’environ 270 m² servant d’assiette à un quai en platelage bois, un appontement en bois, des escaliers, un chemin bétonné avec un platelage en bois, une dalle d’accès à l’appontement en béton, une dalle en béton avec un platelage en bois pour une douche sur le sable, et, d’autre part, à l’édification de deux brise-lames ; que, par jugement du 28 mars 2014, le tribunal administratif de Bastia, par l’article 1er, a relaxé la société pour ce qui concerne les brise-lames et les équipements dont l’installation a été régularisée par une autorisation d’occupation temporaire délivrée le 28 juin 2013 et condamné la société, par l’article 2, au paiement d’une amende de 1 000 euros ainsi que, par l’article 3, à remettre les lieux en leur état initial ; qu’au regard de l’ensemble de ses écritures, la SAS Hôtel Casadelmar doit être regardée comme relevant appel de l’article 3 de ce jugement en tant qu’il porte condamnation à la remise en l’état des lieux pour une surface de 270 m² ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu’aux termes de l’article L5 du code de justice administrative : » L’instruction des affaires est contradictoire (…) » ;
3. Considérant que le préfet de la Corse-du-Sud a expressément demandé au tribunal la remise en état des lieux, dans ses conclusions initiales comme dans son mémoire ultérieur ; qu’en défense la SAS Hôtel Casadelmar s’est bornée à contester la matérialité de l’infraction sans apporter aucun élément sur la remise en état des lieux alors que la preuve lui incombait sur ce point ; que, dans ces conditions, elle ne peut se prévaloir de ce qu’aucun débat contradictoire n’aurait eu lieu sur l’action domaniale ; que, par suite, le jugement, qui ne méconnaît pas les dispositions de l’article L. 5 du code de justice administrative, n’est pas entaché d’irrégularité ;
Sur la contravention de grande voirie :
4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques : » Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l’amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n’appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l’intégrité ou de l’utilisation de ce domaine public, soit d’une servitude administrative mentionnée à l’article L. 2131-1 (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 2132-3 du même code : » Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d’amende (…) » ;
5. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’action domaniale tendant à la remise en état du domaine public maritime dans son état initial repose sur la constatation de la matérialité de l’infraction à la date du procès-verbal de contravention de grande voirie ; que le juge se place à la date à laquelle il statue pour fixer l’étendue de l’obligation de remise en état des lieux, à laquelle le contrevenant a déjà pu procéder, en totalité ou non, les installations en cause pouvant également être à cette date régulièrement autorisées ; que, toutefois, le juge ne saurait condamner le contrevenant à une obligation de remise en état des lieux qui excéderait l’infraction commise, quelle que soit l’étendue de l’occupation irrégulière du domaine public maritime à la date du jugement ;
6. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le préfet a délivré à la société Hôtel Casadelmar, le 28 juin 2013, une autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime, portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, relative à un » emplacement de 209 mètres carrés, servant d’assiette à : – des murs, chemins, enrochements (72 m²), – des appontements (137 m²), sans aucune autre construction ni autorisation » ; que cette autorisation à caractère rétroactif délivré postérieurement à la date d’établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie a pour effet de priver de fondement les poursuites pour ce qui concerne les installations qu’elle mentionne ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu’alors même que cette autorisation n’a pas été renouvelée pour l’année 2014 et que la SAS Hôtel Casadelmar n’allègue pas qu’une nouvelle autorisation lui aurait été délivrée au titre de l’année 2015, l’obligation de remise en état des lieux ne peut porter que sur les installations à l’origine de l’infraction constatée et d’ailleurs seules retenues par les premiers juges au titre de l’action publique, soit en l’espèce, à l’exception des deux brise-lames, celles figurant au procès-verbal du 8 avril 2013 et non mentionnées dans l’autorisation du 28 juin 2013, correspondant à une surface totale de 61 m² ; que la société ne soutient pas que ces installations seraient déposées à la date du présent arrêt ; que, dès lors, il y a lieu de condamner la SAS Hôtel Casadelmar à remettre dans leur état naturel ces dépendances du domaine public maritime occupées irrégulièrement, si ce n’est déjà fait, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sous peine d’une astreinte de 200 euros par jour de retard ; que l’administration pourra procéder d’office à la démolition des installations litigieuses aux frais du contrevenant en cas d’inexécution ;
7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, que la SAS Hôtel Casadelmar est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia lui a enjoint de remettre les lieux en leur état initial pour une surface de 270 m² alors que l’infraction retenue ne portait que sur une surface de 61 m² ; que, dans les circonstances de l’espèce, les conclusions présentées par la société au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La SAS Hôtel Casadelmar est condamnée à remettre les lieux en l’état initial pour ce qui concerne les seules installations non autorisées au titre de l’année 2013, pour une superficie totale de 61 m², si ce n’est déjà fait, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sous peine d’une astreinte de 200 euros par jour de retard. L’administration pourra procéder d’office à la démolition des installations litigieuses aux frais du contrevenant en cas d’inexécution.
Article 2 : L’article 3 du jugement du tribunal administratif de Bastia du 28 mars 2014 est réformé en ce qu’il a de contraire à l’article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions de la SAS Hôtel Casadelmar tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Hôtel Casadelmar et au ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Délibéré après l’audience du 22 septembre 2015, à laquelle siégeaient :
– M. Lascar, président de chambre,
– M. Guidal, président assesseur,
– M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 octobre 2015.
N° 14MA01656