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Unité Touristique Nouvelle : le R600-1 CU ne s’applique pas en cas de recours

Conseil d’État

N° 384804   
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
2ème et 7ème sous-sections réunies
Mme Sophie-Caroline de Margerie, rapporteur
Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public
SCP GADIOU, CHEVALLIER ; SCP FOUSSARD, FROGER, avocats

lecture du vendredi 9 octobre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

L’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 22 juin 2009 par lequel le préfet des Alpes de Haute-Provence a autorisé la création d’une unité touristique nouvelle au lieu dit  » Le Bouas  » sur le territoire de la commune de Lauzet-sur-Ubaye. Par un jugement n° 0909228 du 7 novembre 2011, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 12MA00010 du 25 juillet 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par la commune de Lauzet-sur-Ubaye contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 septembre et 26 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Lauzet-sur-Ubaye demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement une somme de 4 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d’Etat,

– les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la commune de Lauzet-sur-Ubaye, et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 145-9 du code de l’urbanisme :  » Est considérée comme unité touristique nouvelle toute opération de développement touristique, en zone de montagne, ayant pour objet ou pour effet, en une ou plusieurs tranches (…) de construire des surfaces destinées à l’hébergement touristique ou de créer un équipement touristique comprenant des surfaces de plancher (…)  » ; qu’en vertu de l’article L. 145-11, la création d’unités touristiques nouvelles est soumise à autorisation, après que le projet a été mis à disposition du public ; que les conditions de délivrance d’une telle autorisation sont précisées par les dispositions des articles R. 145-1 et suivants du code de l’urbanisme ;

2. Considérant qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que le préfet des Alpes de Haute-Provence a, par arrêté du 22 juin 2009, autorisé la création d’une unité touristique nouvelle au lieu-dit  » Le Bouas « , sur le territoire de la commune de Lauzet-sur-Ubaye ; que, saisi par l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement, le tribunal administratif de Marseille a prononcé l’annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté par un jugement du 7 novembre 2011 ; que la commune de Lauzet-sur-Ubaye se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 25 juillet 2014 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel qu’elle avait formé contre ce jugement ;

3. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, l’arrêt attaqué comporte l’analyse des conclusions et des mémoires produits devant la cour administrative d’appel, conformément à ce que prévoient les dispositions de l’article R. 741-2 du code de justice administrative ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable en l’espèce résultant du décret du 5 janvier 2007 :  » En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir, le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un certificat d’urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d’aménager ou de démolir. L’auteur d’un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif (…)  » ;

5. Considérant que ces dispositions de l’article R. 600-1, dans leur rédaction issue du décret du 5 janvier 2007, n’imposent la notification d’un recours administratif ou contentieux, à peine d’irrecevabilité du recours contentieux, que lorsque le recours est dirigé contre un certificat d’urbanisme, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis de construire, d’aménager ou de démolir ; que les décisions qui sont ainsi limitativement visées par l’article R. 600-1 sont celles qui sont régies par les dispositions du livre IV du code de l’urbanisme ; que la décision autorisant la création d’une unité touristique nouvelle, prise sur le fondement de l’article L. 145-11 du code de l’urbanisme, n’est pas au nombre de ces décisions ; que, par suite, en jugeant que l’obligation de notification du recours édictée par l’article R. 600-1 n’était pas opposable à la demande à fin d’annulation présentée devant le tribunal administratif de Marseille par l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement, la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme, relatif à la composition du dossier de demande de création d’une unité touristique nouvelle :  » La demande est accompagnée d’un dossier comportant un rapport et des documents graphiques précisant : / 1° L’état des milieux naturels, des paysages, du site et de son environnement, comprenant le cas échéant l’historique de l’enneigement local, l’état du bâti, des infrastructures et des équipements touristiques existants avec leurs conditions de fréquentation, ainsi que les principales caractéristiques de l’économie locale ; / 2° Les caractéristiques principales du projet et, notamment, de la demande à satisfaire, des modes d’exploitation et de promotion des hébergements et des équipements, ainsi que, lorsque le projet porte sur la création ou l’extension de remontées mécaniques, les caractéristiques du domaine skiable, faisant apparaître les pistes nouvelles susceptibles d’être créées ; / 3° Les risques naturels auxquels le projet peut être exposé ainsi que les mesures nécessaires pour les prévenir ; / 4° Les effets prévisibles du projet sur le trafic et la circulation locale, l’économie agricole, les peuplements forestiers, les terres agricoles, pastorales et forestières, les milieux naturels, les paysages et l’environnement, notamment la ressource en eau et la qualité des eaux, ainsi que les mesures de suppression, compensation et réhabilitation à prévoir, et l’estimation de leur coût ; / 5° Les conditions générales de l’équilibre économique et financier du projet  » ;

7. Considérant que, pour juger que le dossier accompagnant la demande d’autorisation d’unité touristique nouvelle ne satisfaisait pas, en l’espèce, aux prescriptions de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme, la cour administrative d’appel a relevé que le dossier ne donnait que des indications sommaires sur le bâti existant et sur la taille des chalets à construire et la superficie constructible totale, qu’il n’apportait pas de justifications sur l’état antérieur du site, que le plan d’aménagement ne permettait pas d’apprécier l’importance du projet par rapport à son environnement, que le dossier ne comportait pas d’analyse des risques naturels et qu’il n’examinait pas la possibilité de mesures compensatoires à l’augmentation du trafic routier susceptible d’être causé par la réalisation du projet ; qu’en statuant ainsi, la cour administrative d’appel s’est livrée, sans erreur de droit, à une appréciation souveraine des faits de l’espèce, qui est exempte de dénaturation ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que la cour administrative d’appel a jugé qu’en dépit de l’état du terrain initialement destiné à l’installation d’un camping et à l’existence d’une construction inachevée, le site d’implantation du projet s’inscrivait dans un milieu montagnard naturel et préservé et relevait des espaces caractéristiques du patrimoine naturel montagnard protégés par les dispositions du II de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme ; qu’en statuant ainsi, la cour a souverainement apprécié les faits de l’espèce sans les dénaturer et sans se méprendre sur l’état du site tel qu’il résultait du projet antérieur d’installation d’un camping qui n’avait pas été mené à terme, et n’a pas commis d’erreur de droit ; qu’en jugeant, de même, que le terrain en cause avait conservé un caractère naturel au sens de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme, la cour s’est livrée, sans erreur de droit, à une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune de Lauzet-sur-Ubaye n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque ;

10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Lauzet-sur-Ubaye la somme de 3 000 euros à verser à l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : Le pourvoi de la commune de Lauzet-sur-Ubaye est rejeté.

Article 2 : La commune de Lauzet-sur-Ubaye versera à l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Lauzet-sur-Ubaye et à l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement.
Copie en sera adressée à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

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